L'élection du Premier ministre belge Van Rompuy et de la commissaire européenne Catherine Ashton comme président de l'Europe et haute représentante de l'UE, c'est-à-dire ministre des affaires étrangères, n'en finit pas de faire couler de l'encre.
Deux nominations qui « passent » mal
Certains mêmes ne s'en sont pas encore remis, comme Michel Rocard qui parle " de la mort de l'Europe politique" ou Daniel Cohn-Bendit qui affirme que l'on a "atteint le fond"
Comme si ces deux personnalités, aussi estimables soient-elles, avaient laissé un souvenir impérissable en Europe
M.Van Rompuy, qui est un homme de consensus, se voit subitement accusé des pires maux comme, par exemple, de violer les droits de la communauté francophone en Belgique, de se comporter comme un véritable robot capable d'éliminer tous ses adversaires etc
La seconde se voit reprocher son inexpérience, d'être devenue baronne et présidente de la chambre des Lords, enfin commissaire européenne par la seule grâce de son entregent politique. Quelle carrière fulgurante que celle de cette personne qui n'était il y a dix ans responsable que d'un service de santé d'un comté profond de l'Angleterre...
Des critiques sans fondement
Toutes ces petites critiques sont complètement incompréhensibles venant de personnes qui ont une grande expérience politique.
Pour occuper ces deux postes, nos dirigeants n'avaient en fin de compte pensé qu'à des hommes. Pour respecter le principe de l'égal accès des femmes aux postes de responsabilités, il n'aurait pas été admissible que seuls des hommes se voient récompensés
Or Mme Ashton, dont on dit qu'elle est inexpérimentée, a quand même été membre de la commission européenne Barroso I. Elle a donc su tisser des liens sur la scène internationale et pu apprendre son métier peu à peu.
Elle sera en outre vice-présidente de la commission dont elle connaît déjà le fonctionnement. Il fallait en outre une personnalité de gauche et tant qu'à faire britannique. Il s'agit là d'un accord politique comme un autre et si l'on peut avoir des états d'âme quant à la nomination d'un ressortissant britannique à ce poste, laissons à Mme Ashton le soin de prendre ses marques. La tolérance fait aussi partie de nos vertus
Quant à Herman Van Rompuy, le premier ministre belge a su faire face de façon courageuse à la crise communautaire en Belgique, sans l'avoir définitivement réglée. L'homme est loué pour sa capacité à rassembler les différentes sensibilités. Cela constitue un atout non négligeable. Certains lui reprochent son manque de charisme. Mais a-t-on aujourd'hui besoin de charisme ou de fortes têtes en Europe qui voudraient faire passer leurs points de vue avant ceux de leurs pairs qu'il est censé rapprocher vers des objectifs communs.C'est probablement pour cela qu'il a été retenu comme une candidature plausible.
Laissons à ce duo le temps de faire ses preuves
Par ailleurs, toutes les fortes têtes avaient été éliminées ou s'étaient éliminées elles-mêmes n'étant pas intéressées par le poste. Tony Blair était trop contesté pour être retenu malgré le soutien du président français et de Silvio Berlusconi. Felipe Gonzalez avait refusé cette perspective ; enfin la France voulait préserver le poste qui sera dédié à Michel Barnier au sein de la commission européenne, outre le poste stratégique de secrétaire général du conseil européen qui échoit à un Français, puis qui reviendra à un Allemand dans deux ans...
Qu'on en se plaigne donc pas que ces deux noms soient sortis du chapeau des chefs d'Etat et de gouvernement.
Il est d'ailleurs tout à fait intéressant que les seuls à s'être réjouis de ces deux nominations, soient la Chine et Hillary Clinton qui a clairement dit que son interlocuteur désormais serait la baronne Ashton
Il reste à cette dernière à lui communiquer son numéro de téléphone à Bruxelles.
Les défis sont immenses : la symbolique de ces deux postes est peut-être trop grande par rapport aux rôles institutionnels qui leur sont impartis.
C'est dans les semaines qui viennent que l'on pourra voir quels sont les enjeux. Mais les personnalités compteront incontestablement. Le couple Van Rompuy-Ashton pourrait bien nous réserver des surprises
Patrick Martin-Genier est maître de conférences à Sciences-Po Paris et expert des affaires europeennes