par Xavier Grosclaude, le vendredi 01 août 2008

Lorsque le 13 décembre 2006, la RTBF, chaîne de télévision publique francophone, organisa une émission de politique fiction sur la disparition supposée de la Belgique personne ne pouvait alors imaginer que quelques mois plus tard le sujet entrerait brutalement dans l'actualité.


Selon un sondage IFOP publié par la Voix du Nord et le Soir le 29 juillet dernier, en cas d'éclatement de la Belgique, 49 % des wallons interrogés contre 45 % se déclarent favorables à un rattachement de la Wallonie à la France même si dans le même temps 59% des wallons restent persuadés que la Belgique ne va pas disparaître…

Pour tout dire et vu de l‘extérieur la crise que traverse la Belgique a quelque chose de surréaliste. Elle ressemble, toute proportion gardée, à une crise d'adolescence tardive dont plus personne ne veut assumer la responsabilité, pas même le Premier ministre belge.

Il est vrai que l'Etat Belge est singulier. Indépendamment des institutions fédérales compétentes pour tous les sujets relevant de l'intérêt national (économie, défense, affaires étrangères….) il existe trois Régions dotées de leurs propres pouvoirs exécutifs et législatifs (la Région wallonne, la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale) et trois Communautés définies sur une base exclusivement linguistique (la Communauté française, flamande et germanophone). Le simple énoncé de cette construction "politico-administrativo-linguistique" en dit long sur les compromis négociés pour faire glisser la Belgique, pays initialement unitaire et centralisée vers un modèle "fédéral unitaire" voire demain "confédéral communautarisé" ?

Par ailleurs, et c'est là tout leur charme, nos amis belges adorent jouer avec les paradoxes. Alors que la monarchie a longtemps été soutenue par les flamands (…et contestée par une infime partie de la population wallonne tentée par le modèle républicain), c‘est aujourd'hui au tours des wallons de soutenir la monarchie face aux attaques de l'extrême droite flamande désireuse de mettre à terre le dernier pilier de l'unité belge.

Ce chassé-croisé est aussi vrai sur le plan économique. Alors que la Wallonie a su, à une époque où la Flandre était monocentrée sur l‘agriculture, profiter de la révolution industrielle pour asseoir sa domination politique et économique, la Région Flamande est aujourd'hui une des régions la plus riche d'Europe. Avec un taux de chômage nettement supérieur à celui de la Flandre et un PIB par habitant inférieur de 30 %, nul ne peut le nier que la Wallonie est à la recherche d'un second souffle et d'une nouvelle prospérité.

Est-ce une raison suffisante pour cultiver les surenchères nationalistes et engager tout un pays dans l'impasse du communautarisme linguistique ? On peut en douter d'autant que les franges les plus éduquées de la population, en Flandre comme en Wallonie, ont toujours joué fort intelligemment du bilinguisme. Au demeurant, à l'heure de la mondialisation, personne ne peut raisonnablement prétendre que le bilinguisme représente en soi un handicap rédhibitoire.

En réalité, le plus surprenant dans cette crise c‘est la facilité avec laquelle la classe politique flamande s'est laissée contaminer par le discours du Vlaams Belang dont la rhétorique d'extrême droite laisse peu de place, et c'est un euphémisme, à l'altérité et à la diversité.

La volonté manifestée en Flandre de tout "néerlandiser" sur le plan linguistique et de régionaliser jusqu'à la protection sociale (couverture du risque santé, du risque chômage…) exprime au-delà du repli identitaire la pauvreté d'un idéal politique désormais réduit à des questions purement linguistiques, financières et territoriales. Reste un problème récurrent celui de Bruxelles, ville officiellement bilingue, localisée en Flandres, peuplée à 80% de francophones et accessoirement le siège de plusieurs institutions de l'Union Européenne.

Aujourd'hui, au-delà des interrogations métaphysiques sur l'existence ou l‘absence d'une nation belge, il est souhaitable que nos amis belges, quelle que soit leur localisation géographique et leur langue, puissent organiser au mieux un "vivre ensemble" respectueux des valeurs fondatrices de l'Union Européenne. La Belgique, membre fondateur de la Communauté Economique Européenne ne peut s'offrir le luxe de redonner vie au modèle sud-africain de l‘apartheid défendu jadis par les boers.

Si tel devait être le cas, cela constituerait assurément pour les européens la plus mauvaise histoire belge depuis 1830 !

Xavier Grosclaude


Xavier Grosclaude est diplômé en sciences politiques et en droit communautaire. Membre de plusieurs think tanks français, il combine une double expérience des affaires européennes en France et au Royaume-Uni.  

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