par Xavier Grosclaude, le mardi 14 octobre 2008

Si personne ne peut nier l'intensité de la crise bancaire et interbancaire née aux Etats-Unis, personne ne peut non plus passer sous silence la formidable opportunité politique qu'elle représente pour l'Union Européenne.


Souvent présentée à tort comme un « ventre mou », sans aucune consistance doctrinale sur le plan économique, l'Union Européenne, première puissance commerciale au monde, est peut être aujourd'hui la seule en capacité de définir les bases d'un nouveau libéralisme « raisonné et raisonnable », conjuguant efficacité économique, justice sociale et éthique.

Ni les Etats-Unis minés par la fin calamiteuse du mandat de l‘administration Bush, ni les pays émergents (Chine, Inde, Brésil…) dopés par des taux de croissance insolents vu de Bruxelles, ni les pétromonarchies ne peuvent à eux seuls initier un mouvement de fond en faveur d'une nouvelle gouvernance de l'économie mondiale. L'Europe en a la possibilité et la légitimité non seulement parce qu'elle est un pur produit du volontarisme politique mais surtout parce qu'elle possède, depuis un demi siècle maintenant, une réelle expertise dans la gestion de projets collectifs à dimension supranationale.

Aussi, au-delà des réponses techniques apportées par chacun des Etats membres à la crise, réponses nationales adaptées à la spécificité de chaque marché bancaire mais coordonnées sur la base de principes directeurs communs, il revient à l'Union Européenne de définir le contenu et les contours d'un nouveau libéralisme purgé des excès du capitalisme financier.

Toutefois, restons lucides la maîtrise technique des risques issus de la financiarisation excessive de l‘économie ne sera qu'une éclaircie dans la météo internationale des risques. Les risques alimentaires, énergétiques, sanitaires… peuvent à bien des égards être tout aussi systémiques que le risque financier.

En réalité, cette crise souligne avec brutalité une des spécificités du XXI° siècle, à savoir la compression des dimensions spatiales et temporelles, mais aussi l'interaction désormais continue entre le réel et le virtuel. Notons au passage que ce qui est vrai pour l'économie l‘est aussi au niveau des individus. Ainsi, il est frappant de constater qu'aujourd'hui un adolescent qui n'a pas d'identité numérique sur le net possède objectivement une identité altérée dans la vie réelle même si cela ne l‘empêche pas de vivre, organiquement parlant…

Dans un tel contexte, le rôle du politique n'est pas de renforcer le caractère anxiogène des difficultés rencontrées avec des déclarations apocalyptiques relayées « en boucle » par des médias scotchés au factuel mais de gérer l'instabilité avec sang froid en communiquant uniquement sur les décisions susceptibles de favoriser un retour aux équilibres et de neutraliser les effets de contamination susceptibles d'affecter durablement l‘économie réelle.

En fait, dans quelques années, tout le monde reconnaitra que cette crise aura été salutaire en obligeant les Etats, les Banques Centrales, les Organisations Internationales, à commencer par le Fonds Monétaire International, étonnement discret depuis le début de la crise, à repenser le système financier international pour le remettre sous contrôle et éviter, si possible…, les « sorties de route » dues à des instruments financiers « toxiques ».

Dans l'immédiat, cette crise a le mérite non négligeable, sur le plan politique, de neutraliser, avec une force égale, à la fois le discours idéologique sur l'infaillibilité du marché et les incantations nostalgiques au retour à une économie administrée.

En conclusion, le vrai défi de cette crise n'est pas de réécrire le passé pour se soustraire à des obligations librement contractées - par exemple, dans le cadre du Pacte de Stabilité - mais de corriger le présent pour mieux construire le futur. Dans cette perspective, il appartient à l'Europe, avec l'ensemble des partis prenantes concernées, dont les pays émergents, d'injecter une bonne dose de cohérence dans le système financier international pour éviter la récurrence de ce type de turbulences, une cohérence qui, pour les entreprises, devrait passer à court terme par un ajustement des normes comptables internationales…

Xavier Grosclaude
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Xavier Grosclaude est diplômé en sciences politiques et en droit communautaire. Membre de plusieurs think tanks français, il combine une double expérience des affaires européennes en France et au Royaume-Uni.  

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