par André Ferron, le mercredi 26 novembre 2008

Face aux énormes besoins de développement du monde dans un contexte de crise énergétique et climatique, on assiste à une relance du nucléaire.

Cette relance se différencie de celle de la crise pétrolière des années 70 : elle s'étend bien au-delà des pays industrialisés maîtrisant cette technologie à haut risque, non seulement à des pays comme la Chine déjà expérimentée, mais aussi à des pays novices tentés par le grand bond en avant industriel. On peut même dire que le club des pays occidentaux développés (OCDE) est moins enthousiaste que la foule des nouveaux convertis. A l'OCDE, ils ne sont que 13 sur 30 à relancer contre une quarantaine en dehors. France, Royaume Uni, Etats-Unis relancent, pas l'Allemagne qui, pour l'instant, suit son programme de « décommissionnement » de ses centrales, alors que des « rois du pétrole » comme la Lybie, l'Arabie Saoudite se convertissent.


Cette relance mondialisée pose de nouveaux problèmes de sûreté que l'ancien système de contrôle ne résoudra pas automatiquement. Il va devoir évoluer. Déjà Tchernobyl a pu avoir lieu parce que le contrôle de sûreté mondiale était coupé en deux compartiments étanches, occidental et soviétique. Certes le contrôle occidental n'a pas su empêcher Three Miles Islands - le nucléaire occidental a pu surmonter malgré tout cette grave blessure- mais le coup mortel est venu d'une sûreté soviétique qui lui échappait totalement. A une relance mondialisée doit correspondre impérativement une sûreté mondialisée, sinon les risques d'accidents seraient énormes et pourraient tuer dans l'œuf toute relance, handicapant toute maîtrise des ressources énergétiques et du changement climatique.

Comment atteindre un tel objectif ? L'Europe doit faire une offre au monde comme elle le fait pour le climat en commençant par unifier en interne sa propre sûreté. Reste à identifier et à surmonter les obstacles pour atteindre un tel but.

La sûreté nucléaire ne se construit pas en un jour, elle ne s'achète pas, elle ne se délègue pas, elle nécessite l'acquisition d'une « culture de sûreté » chez les industriels, les exploitants, les contrôleurs, les politiques, et comme toute culture, il faut des années pour l'acquérir ! Comment réagissent les pays pressés de s'industrialiser avec du nucléaire quand on leur dit : pas d'exploitation de votre nouvelle centrale nucléaire avant l'acquisition d'une culture de sûreté, c'est-à-dire pas avant dix ans ? Et comment réagissent les industriels, les opérateurs, les financeurs ? Des dépenses tout de suite, mais pas de recettes avant dix ans ?

La relance actuelle se produit après des années de léthargie. Il faut rouvrir des usines, ré-embaucher, former. L'offre industrielle ne suit pas la demande. Le risque est double : que l'industrie bâcle le travail au détriment de la sûreté de la construction ou face à des contrôleurs teigneux, sélectionne ses clients sur des critères qui peuvent les fâcher. Par exemple : accorder la priorité à ceux qui peuvent assurer la sûreté tout de suite parce qu'ils ont déjà une expérience du nucléaire, autrement dit les membres du club … laissant sur le bord de la route les nouveaux convertis pressés… qui se tournent alors vers des industriels moins regardants.

Comment relever ces défis, comment sortir de ces dilemmes ? C'est une des grandes préoccupations de l'Autorité de Sûreté Nucléaire française (ASN) qui a bien compris que la sûreté n'avait pas de frontières : protéger les Français contre un accident nucléaire passe d'abord par l'empêcher en France mais aussi partout dans le monde, les nuages radioactifs comme les peurs ne connaissent pas de frontières.

C'est en partenariat avec l'ASN que Confrontations Europe et les Entretiens Européens veulent participer aux réponses en débattant au Parlement européen à Bruxelles avec les institutions, des acteurs de la société civile et des experts européens, et des pays en développement.


Paru dans Interfaces n°42 de Confrontations Europe de novembre 2008


André Ferron est chargé de recherche à Confrontations Europe

http://www.confrontations.org

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