par Marianne Ranke-Cormier, le mardi 09 décembre 2008

On le savait depuis Lisbonne, nos politiciens nationaux et européens n'ont de cesse que de vouloir museler la voix des citoyens, et qu'on ne se trompe pas, tant au niveau européen qu'au niveau national.


Au niveau européen cela se traduit bien entendu par le fait que, depuis l'échec du traité constitutionnel, Merkel, Sarkozy, Barroso, le Parlement européen, etc... n'ont eu de cesse de remettre en cause les votes français et néerlandais, allant même jusqu'à approuver par derrière ce que le peuple avait rejeté précédemment, et se sont relayés au mieux pour préciser publiquement qu'il fallait surtout éviter de recourir encore à la voix du peuple pour l'adoption de Lisbonne2., même si le malheureux incident irlandais venait légèrement remettre en cause un tel déni de démocratie. C'est que le citoyen peut-être tenace lui aussi. Mais qu'à cela ne tienne, il sera lui aussi étant donné le contexte actuel bientôt effacé. L'Islande et la Grande Bretagne ne tentent-ils pas justement face au naufrage américain de se raccrocher à la barque européenne? Comment les citoyens irlandais pourraient-ils alors vouloir naviguer en courant inverse? Une fois ce vote là obtenu, rien n'empêchera nos heureux élus de mener seuls le grand navire Europe, et qu'on ne s'y trompe pas, il ne sera pas plus question de savoir si celle-ci sera économique, sociale ou politique, elle devra avant tout servir aux intérêts nationaux, car on ne parle plus que de cela, être ce terreau fertile qui leur garantira une immunité parfaite de toutes les actions qui auront pu conduire à achever la grandeur de la France, l'invincibilité de l'industrie allemande...

Pour les autres pays j'ai du mal à comprendre en quoi ils pourraient se développer encore de façon si restreinte. La faillite financière conduit la Grande Bretagne à devoir revoir ses velléités de "caniche" américain et de puissance financière mondiale... et la crise semble avoir emporté du paysage les Pays-Bas, l'Italie et l'Espagne. La France se maintient aux branches grâce aux sons et lumières projetés par son président et l'Allemagne par le jeu de l'autruche dans lequel excelle sa chancelière ("tout va bien Mme la marquise, tout va bien..."). Dans la cacophonie de nos politiciens qui donnent l'illusion de s'exprimer pour sauver un peu quelque chose de ce système en faillite, on n'entend même plus les voix des grands chefs bancaires, industriels, financiers, de ces grands penseurs du (ou des) système(s) de l'économie mondiale... Et pour cause me direz-vous, on a tendance à se faire un peu plus discret quand pour la nième fois on est contraint de frapper à la porte de l'état pour lui demander un nouveau petit milliard... Ceci étant, on s'aperçoit une fois de plus que le monde reste bien petit et entre soi. Politiques, banquiers, patrons, institutionnels...

Deux questions cependant qui me paraissent fondamentales:

Où est la voix de l'Europe dans tout cela?

Avez-vous entendu la Commission européenne et Barroso, toujours si prompts à vouloir imposer Lisbonne, non pas le traité, mais ses critères, la libre concurrence et l'ouverture des marchés? Avez-vous entendu à un moment quelconque le Parlement européen s'exprimer sur la crise et proposer de s'engager dans une réflexion commune sur ses conséquences et les mesures envisageables ? Que fait Trichet? et où est passé Juncker?*

Et le citoyen dans tout çà?

Où sont les politiciens qui s'expriment au nom de leurs électeurs? Où sont les politiciens qui défendent les valeurs sociales, économiques, démocratiques face au démantèlement, une remise en cause fondamentale, du système dans lequel nous vivons depuis plus de 50 ans? Où sont nos élus politiques dans la prise d'otage de tout l'appareil économique, social, politique par quelques uns? Où sont les partis politiques chantres de la solidarité?

A quel moment a-t-on laissé la parole aux citoyens? A quel moment les a-t-on laissé s'exprimer sur la crise financière, sur la crise globale et sur ses conséquences? A quel moment leur a-t-on offert la possibilité de se projeter dans les décisions à prendre qui concernent leur travail, leur pouvoir d'achat, leur argent, leur épargne, leur avenir, la retraite pour les plus vieux, la sécurité sociale (je ne parle pas du régime, mais du système) pour les plus jeunes?

Il est temps de leur donner la parole. Il est temps qu'ils la prennent. En France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne, en Belgique, en Slovaquie, en Roumanie, dans toute l'Europe, les citoyens ont aussi leur mot à dire sur la crise. Vendredi, à Francfort, ils auront la parole pour la première fois, Newropeans leur assure cette voix là.

Paru le 22 novembre 2008 dans Newropeans Magazine


Marianne Ranke-Cormier est membre du comité de rédaction de Newropeans Magazine

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