Panayotis Soldatos, le 7 février 2019
Le tout récent traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle, du 22 janvier 2019, souligne un timide sursaut d’ambition intégrative des deux États partenaires, espérant faire sortir l’Union européenne de sa torpeur. Il suscite, cependant, de nombreuses critiques qui nous incitent, aujourd’hui, à la proposition de cette grille de lecture de l’euphorie des uns, du scepticisme et, parfois, de l’hostilité des autres, devant cet événement plus symbolique que d’implications substantielles.
- Les signataires du traité ont, dirait-on, précipitamment ciblé une date d’anniversaire de rare plutôt périodicité de jalon temporel, soit les 56 ans du traité de l’Élysée. En revanche, ils ont cherché une forte symbolique de lieu, choisissant les fonts baptismaux d’Aix-la-Chapelle, à l’ombre de Charlemagne, «Pater Europae», dans le sens d’un souvenir de regroupement institutionnel de l’Occident européen et de territorialité franco-allemande. Ils ont aussi, anticipant les critiques d’obsolescence du traité de l’Élysée, voulu actualiser son contenu, dans une approche plus pragmatique qu’idéologique, par des références aux nouveaux réalignements géopolitiques et géoéconomiques à l’échelle mondiale ainsi qu’aux actuels défis européens et, en particulier : à la lutte contre les agendas contemporains du populisme, du nationalisme et des extrémismes multiniveau; aux impératifs d’une série de nouveaux développements économiques (notamment dans le secteur financier-bancaire), technologiques (en particulier, dans le domaine du numérique) et environnementaux; aux besoins pressants de sécurité et de défense; à la volonté d’ accélération des coopérations en matière éducationnelle, culturelle, régionale, surtout transfrontalière (économie, tourisme, transport, communications en général etc.); au projet de concertation intergouvernementale (franco-allemande), comportant un certain degré d’institutionnalisation. Enfin, en toile de fond se profile le souhait de réinventer la pertinence du «couple» franco-allemand, en processus de «détricotage» constant, depuis le milieu des années 1990.
- Face à eux, les sceptiques, voire les réfractaires aux vertus de ce traité, y ont vu un exercice médiatique (compte tenu, notamment, des difficultés internes du président Macron et, dans une moindre mesure, de la chancelière Merkel), une tentative de réhabilitation électorale, surtout à l’approche des élections européennes de mai prochain, une velléité de reprise du rôle, jadis directionnel, des deux partenaires, dans une Union européenne aux nouveaux équilibres d’acteurs et en délitement intégratif multiniveau.
A.- La trajectoire perturbée du couple franco-allemand à l’aune de la tentative de sa «relance» par le traité d’Aix-la-Chapelle
1° La référence au traité de l’Élysée, incongruité historico-politique et téléologique
Déjà, le traité de l’Élysée, de 1963, que l’on conçoit comme le précurseur de celui d’Aix-la-Chapelle, fut né au milieu de dissensions sur l’avenir de l’Europe, la France du général de Gaulle espérant, alors, pouvoir influer, par ledit traité et les liens privilégiés avec l’Allemagne, sur la trajectoire supranationale des Communautés européennes et l’orienter ainsi vers un axe de coopération plutôt que d’intégration. Nous considérons, en effet, que le traité de l’Élysée, en l’honneur lors de l’opération d’Aix-la-Chapelle, n’a jamais correspondu à l’essence de la finalité de l’intégration européenne et occupa une position périphérique eu égard aux objectifs fondamentaux d’une unification du Continent. Car, lors de la conclusion de ce traité, en 1963, due à la ténacité du chancelier Adenauer et à la qualité exceptionnelle de sa relation avec le général de Gaulle, force nous a été d’observer son «anachronisme d’orientation» (de l’avis de Jean Monnet, partagé par plusieurs cercles en Allemagne et dans les pays du Benelux, il y avait incompatibilité évidente de philosophie de ce traité avec le processus d’intégration au sein des Communautés) et l’atmosphère tendue régnant au sein du couple franco-allemand, en amont et en aval de la signature, avec l’apparition notamment, dès janvier 1963, de divisions au sein même du gouvernement allemand, plusieurs ministres d’outre-Rhin s’opposant au traité ou demeurant sceptiques quant à son opportunité à un moment où le général de Gaulle faisait obstacle à l’ adhésion britannique aux Communautés européennes, comme aussi au projet d’intégration politique des Six, et remettait en question la stratégie de l’Alliance atlantique et le rôle des États-Unis au sein de l’OTAN ; seule l’addition, du côté, allemand, d’un Préambule, proclamant des positions à l’opposé de la politique gaullienne sur les questions précitées, a pu permettre la ratification du traité en Allemagne.
Dès lors, et eu égard à cet environnement politique du traité de l’Élysée, chargé d’ambivalences et d’arrière-pensées, son invocation à Aix-la-Chapelle dans l’optique de son «prolongement» par le nouveau traité du 22 janvier dernier, représente une incongruité historico-politique et une insuffisance d’inspiration pour la relance du couple franco-allemand et la refondation de l’Union.
2° La période féconde du rôle moteur du couple franco-allemand
- Les fondements du couple franco-allemand puisent leur source dans la rationalité du processus d’établissement des Communautés européennes, système innovant par sa structure institutionnelle d’ordre supranational et ordonné à la réalisation d’objectifs fondamentaux partagés par les élites politiques des deux pays, en situation de compatibilité d’orientations intégratives, visant, notamment : la réconciliation des ennemis de deux guerres mondiales; la garantie d’insertion irréversible de l’Allemagne dans un schéma européen d’intégration, «police d’assurance» contre tout regain de revanchisme allemand ( «une Allemagne européenne», plutôt qu’ «une Europe allemande»); et, in fine, l’établissement d’une paix stable et d’une prospérité durable à l’échelle du Continent.
Dans cette optique de tandem franco-allemand, le traité de l’Élysée, malgré une naissance «aux forceps» et une philosophie de coopération plutôt que d’intégration, l’avons-nous vu, a prodigué une certaine sérénité au processus d’unification amorcé par l’établissement des Communautés européennes que les orientations gaulliennes de politique étrangère des années 1960 paraissaient ébranler : nous pensons, entre autres, au blocage de l’adhésion britannique aux Communautés européennes, au retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, à la remise en question du caractère supranational de la Commission et la crise de la «chaise vide» en 1965.
- Par la suite, et après une période moins active pour le tandem Pompidou-Brandt (le lancement et la poursuite conséquente de l’Ostpolitik du chancelier allemand avait créé une arythmie d’attention au sein du couple), la vie de couple a connu un crescendo d’entente et de rôle directionnel concerté face au processus d’intégration européenne. On note, en effet, la parfaite collaboration du tandem Giscard d’Estaing-Schmidt (notamment : Fonds européen de développement régional, Système monétaire européen, Parlement européen élu au suffrage universel direct) et celle féconde du tandem Mitterrand-Kohl (notamment : Acte unique européen pour le marché unique, Traité de Maastricht d’une Union européenne, avec ses piliers communautaire, de politique étrangère et de sécurité commune, de coopération policière et judiciaire, une citoyenneté européenne et un processus de monnaie unique européenne). Ce fut ainsi une longue marche de leadership directionnel franco-allemand, ayant permis d’aiguillonner et d’accompagner l’Europe pour son passage à ces étapes supérieures d’intégration.
- Malheureusement, depuis le milieu des années 1990, ce «noyau dur» franco-allemand du processus d’unification européenne s’est fragilisé de l’intérieur des deux partenaires et, ensuite, dilué dans le grand élargissement de l’Union vers le Centre, l’Est et le Sud européens. Ainsi, le tandem Chirac-Schröder et ceux de Sarkozy-Merkel et de Hollande-Merkel ont connu un essoufflement, à la fois sous l’effet du rejet français du traité établissant une constitution pour l’Europe, en 2005, de la crise économique des années 2007-2008 et suivantes, des controverses afférentes autour des plans de sauvetage d’un contenu dit d’«austérité» reproché à l’Allemagne, de la crise des flux migratoires, de la montée du populisme et des extrêmes dans les deux pays et, in fine, du caractère de plus en plus asymétrique et hétéroclite de cette grande Union de 28 membres. Et, malgré les tentatives de «réhabilitation» du couple à l’ère Macron-Merkel, dont celle du traité Aix-la-Chapelle, dans la foulée des propositions françaises de refondation de l’Union et de sa zone euro, le tandem franco-allemand ne semble pas être dans la voie de la reprise de son rôle intégratif moteur au sein du processus d’intégration européenne.
Dans cet ordre d’idées, et à l’occasion des retrouvailles d’Aix-la Chapelle, il convient, croyons-nous, de nous interroger, aujourd’hui, de façon plus spécifique, sur la causalité de cette érosion du rôle directionnel du couple franco-allemand, en nous penchant sur des facteurs internes (réalités systémiques et perceptions au sein des deux pays) et externes (constellation d’une Grande Europe et d’un monde globalisé).
B.- La nouvelle constellation de la Grande Europe et l’opposition au rôle traditionnel du couple franco-allemand que souhaite «réhabiliter» le traité d’Aix-la-Chapelle
1° Essai d’exégèse sur l’érosion progressive du rôle directionnel du «couple»
L’entrée du XXIe siècle a mis le couple franco-allemand à dure épreuve, ébranlant ses fondements, pour arriver, aujourd’hui, au scepticisme des uns, à l’hostilité des autres, même devant cette timide tentative de son «repêchage a minima» que représente le traité d’Aix-la-Chapelle. À cet égard, la recherche d’une démarche explicative s’impose.
- Le dynamisme et la rapidité de développement de l’économie allemande, dus à un processus cohérent et constant de réformes structurelles et de politiques macroéconomiques rigoureuses, sur fond de consensus social, contrastent avec les faiblesses structurelles de l’économie française et son incapacité de réformes, sur fond de mouvements sociétaux (sectoriels ou généraux), qui contestent, depuis longtemps et systématiquement, la légitimité de mise en œuvre de politiques et législations gouvernementales, même au lendemain d’élections présidentielles et législatives, sanctionnées d’un mandat démocratique et d’expression majoritaire. Aussi, le partenaire français se trouve-t-il souvent, comme un «Gulliver enchaîné », plongé dans la crise macroéconomique et les déficits budgétaires ainsi que dans les carences de compétitivité, sans oublier le difficile «arrimage» de l’éducation à l’économie ou, encore, l’hypertrophie du secteur public : en termes sociétaux, le système français demeure paralysé par le stérile débat socio-politique « austérité ou pouvoir d’achat accru», sans réussir ainsi à s’inscrire dans l’orientation allemande «réformes-compétitivité-croissance-partage sociétal», d’une sorte de capitalisme Rhénan (approche économico-commerciale libérale, combinée à des politiques d’interventions étatiques et d’accompagnement social, d’une part, culture de dialogue et de consensus social maîtrisé, entre employeur et employé, patronat et monde du travail, d’autre part).
- Sur un plan plus politique, la remontée, en France, d’un populisme souverainiste et protectionniste, qui traverse population et élites et s’installe, de plus en plus, dans les débats électoraux et les joutes politiques en général, obscurcit les enjeux européens et sous-estime les défis de compétition d’une Union européenne aux prises avec la concurrence accrue d’un monde globalisé et de nouvelles grandes puissances ; on ignore ainsi l’accélération et la vélocité d’une concurrence internationale que la France seule et en situation de «découplage», par rapport à l’Allemagne, ne saura endiguer, dans cette Union, aujourd’hui, en sommeil profond.
- Dans la foulée de ce «décrochage» socio-économique français, par rapport au partenaire allemand, on se trouve, en France, devant une opinion publique et des partis politiques écartelés entre les diverses tendances qui les traversent et les divisent : les débats confus et émotifs, lors du processus de ratification du traité de Maastricht, le rejet de ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe ainsi que les refus successifs de dirigeants français de se rallier à des propositions allemandes de «fédéralisation» de l’Union (penser, entre autres, aux propositions de Schäuble-Lamers ainsi qu’à celles du président de la RFA Rau et du ministre allemand des affaires étrangères Fischer, toutes formulées dans la décennie 1990 et le début de la suivante) fournissent la preuve d’un divorce d’approche politico-institutionnelle en matière d’intégration européenne, et, par ricochet, expliquent l’absence de rôle moteur, en tandem, dans les grands débats sur «plus d’Europe» et, in fine, sur l’Europe politique. Du reste, il en sera de même, plus tard, dans le dossier des flux migratoires vers l’Europe, où l’«ouverture» allemande, en 2015, par un accueil de plus d’un million de réfugiés, contraste avec le comportement timoré de la France en cette matière et empêche la position concertée du tandem pour une réelle politique commune d’immigration au sein de l’Union.
- Quant à la question du nouvel équilibre de forces au sein de l’Union élargie, aujourd’hui, à 28 et, dans quelques années (même après un Brexit), à plus de 30 États membres, avec, notamment, l’arrivée des Balkans occidentaux, le couple franco-allemand ne peut plus y trouver le rapport de forces favorable qu’il avait dans l’Europe des Six (rapport déjà ébranlé, depuis l’adhésion du Royaume-Uni et les élargissements successifs), pour prétendre ainsi à un rôle moteur aussi déterminant que par le passé. Et déjà, plusieurs pays cherchent, au sein de l’Union, d’autres cercles d’action concertée et d’influence directionnelle, comme alternative au couple franco-allemand, considéré par certains (craignant la marginalisation), à vocation hégémonique et par d’autres obsolète, dans le nouveau rapport de forces (arithmétique et qualitatif) au sein de cette Grande Europe. À cet égard, on pourrait mentionner quelques cas de processus de tels regroupements, avec, notamment : la constitution du groupe de Visegrad, avec les pays de l’Europe centrale, aux sensibilités historico-politiques particulières face à la Russie; l’amorce d’un regroupement dit hanséatique avec des pays de rigueur macro-économique et soucieux de stabilité politique et de cohésion sociale (avec la Hollande, l’Irlande, les pays baltes, les pays scandinaves, ayant l’oreille bienveillante de l’Allemagne), regroupement, actuellement, en mouvance d’élargissement vers d’autres pays de rigueur économique, hostiles, entre autres, à la mutualisation d’éventuelles nouvelles dettes des pays du Sud et aspirant à participer à ce cercle de pays dits «vertueux» (notamment, sur le plan économique); le groupe MED 7, de pays méditerranéens, membres de l’Union, dont un sommet a eu lieu à Chypre le 29 janvier dernier; la tentative actuelle de triangle en gestation Budapest-Rome-Varsovie.
- Finalement, ce découplage est, également, lié, de nos jours, au peu d’empressement réel (en dehors de la sphère de la communication politique) de l’Allemagne, partenaire qui, considérant ce qui précède, ne pourrait y voir des raisons impératives de revitalisation immédiate du couple. L’accueil tiède et « a minima» du projet de refondation du président Macron (notamment, de ses propositions de renforcement substantiel de la zone euro) en a donné la preuve. Cette procrastination allemande en matière de relance du couple est aussi liée à l’affaiblissement de la chancelière Merkel, après la dernière élection fédérale et les difficultés de coalition gouvernementale y afférent; ceci d’autant plus que sa prochaine éclipse de la scène politique diminue l’urgence d’une telle relance.
2° Par-dessus et au-delà de l’approche du traité d’Aix-la-Chapelle ?
Malgré le scepticisme de certains milieux européens, qui voient dans le traité d’Aix-la-Chapelle un faible échafaudage bilatéral de coopération au sein du couple franco-allemand, et l’opposition de ceux qui le qualifient d’expédient politique en obsolescence, car fort éloigné des besoins actuels de «refondation» de l’Union européenne, l’urgence de «revisiter», d’ un regard critique, la trajectoire du couple, avec ses erreurs, ses insuffisances et ses craquements, mais aussi de scruter ses possibilités de redynamisation et de rajeunissement, nous paraît incontournable.
De même, et en dépit de l’incongruité historico-politique du traité d’Aix-la-Chapelle, par son insertion dans le sillage du traité de l’Élysée, né dans la périphérie de l’ambition intégrative des Communautés européennes, force nous est d’admettre que la progression de l’érosion du rôle moteur du couple franco-allemand au sein de l’Union européenne incite à un sursaut de volonté de reprise de ce partenariat. Il ne s’agira, certes, pas de lui reconnaître la même capacité de mobilisation et d’influence directionnelle des années 1970, 1980 et 1990, vu, notamment, l’érosion subie depuis et déjà exposée, mais, plutôt, d’en faire l’un des pôles d’inspiration et d’orientation de la Grande Europe, en tenant compte du gabarit de puissance multidimensionnelle de ses deux composantes, de leur rôle constitutif et de responsabilité historique dans la genèse de l’intégration européenne, de l’intérêt réel suprême de leurs peuples dans la poursuite de la construction européenne.
- Considérant, tout d’abord, la progression constante de la puissance économique de l’Allemagne et le probable Brexit, le danger d’une position dominante de la RFA au sein d’une vaste Union n’est nullement conjuré et la préservation du couple représente, en cette matière, une «police d’assurance».
- Les vulnérabilités des deux pays, dans une compétition mondiale (commerciale, économique, technologique, scientifique) exacerbée, dictent la rationalité d’une concertation prioritaire du couple, dont la capacité d’entraînement, le réseau international (pour la France l’Eurafrique et pour l’Allemagne son «hinterland» du Centre et de l’Est européens) et l’acquis diplomatique et culturel serviraient de rampe de relance et de redéploiement de la construction européenne.
- Leur poids dominant dans la zone euro et au sein de son appareil institutionnel, bancaire et financier les habilite à des rôles clé dans l’interaction mondiale en la matière.
- Le probable Brexit et les tendances de l’Administration américaine (tout au moins sous la présidence actuelle) à un désengagement international appellent le couple à assumer de nouvelles responsabilités géopolitiques et géostratégiques au niveau de l’Europe, de l’Alliance atlantique, des relations avec la Russie, le «Grand Moyen-Orient», l’Asie, le reste du monde : le crucial passage de l’«Europe espace» à l’«Europe puissance» en dépend.
- La centralité des questions d’environnement, d’énergie et de changement climatique sur la scène internationale font déjà de ces deux pays des acteurs essentiels de mobilisation et de changements dans le virage énergétique et écologique.
En conclusion, la condition sine qua non pour le succès de ce pari de «réhabilitation» du couple consiste en la présence, dans les deux pays, de certains facteurs prioritaires : il s’ agirait d’y avoir un leadership de durée, imaginatif et déterminé, de compatibilité de valeurs d’intégration, muni d’un projet socio-économique réellement commun (constitutionnel, social, économique et politique), d’une «feuille de route» précise pour sa mise en œuvre ainsi que d’une capacité excédentaire de persuasion au sein de chaque pays et sur le plan européen. Sur ce dernier point, il importe de ménager les susceptibilités des autres pays de l’Union, dans une démarche stratégique de « coalition building », en y associant ceux qui «veulent et peuvent» agir pour «plus d’Europe», dans une perspective de parachèvement de l’union économique et monétaire et de constitutionnalisation accrue de l’union politique, le tout assis sur un socle de nouveau traité de l’Union (révision incontournable des traités actuels), plutôt que sur des accords périphériques de concertation-coopération intergouvernementale, privés du substratum systémique (institutionnel et juridico-politique) de l’Union. En somme, le couple franco-allemand devrait «servir plutôt que dominer» : servir de force politique motrice d’un tel «débordement» intégratif, plutôt que de caisse de résonance de rivalités intra-communautaires, d’expédient de politique interne et de duopole d’influence internationale.
Panayotis Soldatos est professeur émérite de l’Université de Montréal et titulaire d’une Chaire Jean Monnet ad personam à l’Université Jean Moulin – Lyon 3