A peine le drame de Montauban et Toulouse venait de terminer dans un bain de sang que la campagne pour l'élection présidentielle reprenait ses droits.
Un manque d'expérience : un débat franco-français
Une question récurrente depuis la campagne refait surface : faut-il avoir exercé des responsabilités éminentes pour prétendre exercer la responsabilité suprême de l'Etat ? Cette question est à la fois intéressante sur le plan de la science politique mais aussi sur celui de la pratique.
Le reproche fait à François Hollande est donc de n'avoir jamais dépassé le stade de simple député et de président du conseil général de la Corrèze. Il n'a jamais été ministre ni même secrétaire d'Etat, n'a jamais mis les pieds dans le salon Murat de l'Elysée où se réunit tous les mercredi matin le conseil des ministres. Lorsque l'on sait que le chef d'Etat de la V° République est la clef de voûte des institutions, qu'il est le chef des armées, le personnage central de la politique diplomatique de la France, certains mettent en avant le fait que François Hollande serait disqualifié pour l'exercice de cette charge suprême.
L'absence totale d'expérience comme ministre est-elle dirimante ? François Hollande serait-il une catastrophe pour la France s'il était élu président de la République ?
À cet égard, deux points méritent d'être soulevés. En premier lieu, le débat est bel et bien encore une fois franco-français. Après tout, un président des Etats-Unis arrive au pouvoir sans avoir exercé auparavant quelque responsabilité exécutive que ce soit. Un président américain en général n'a jamais dépassé les responsabilités de parlementaire, le plus souvent sénateur, ou celles de gouverneur de son Etat
En Allemagne, Angela Merkel n'avait exercé que des responsabilités mineures avant de devenir chancelière de la République fédérale d'Allemagne. Margaret Tchatcher quant à elle était simple parlementaire et n'avait été que ministre de l'éducation et des sciences il est vrai.
La nécessité d'une vision stratégique
Ces maigres expériences ministérielles ou parlementaires n'ont pas empêché les titulaires des plus hautes fonctions de devenir de bons présidents ou Premiers ministres
En second lieu, François Hollande ne manque pas d'expérience politique et administrative. La vie parlementaire permet de garder des liens avec l'exécutif, de rencontrer des interlocuteurs sur la scène internationale. François Hollande est aussi ancien élève de l'Ecole Nationale d'Administration et, si cette qualité n'est elle-même pas déterminante, il dispose d'une formation d'un excellent niveau qui forme les hauts fonctionnaires
.
Précisément, pour faire un excellent homme ou femme d'Etat, il est nécessaire de remplir deux qualités essentielles. Savoir conserver une vision stratégique des choses. Pour conduire la diplomatie française, il est donc indispensable de savoir où l'on veut conduire le pays et le message que l'on veut faire passer, en tenant compte des contraintes liées à l'histoire de la diplomatie française d'une part et, d'autre part, des rapports de force internationaux et européens. Sans une vision claire de la direction que l'on souhaite emprunter, c'est le brouillard qui s'installe avec le nez dans le guidon et cela n'est pas bon.
Le poids de l'entourage et des conseillers
La seconde qualité est celle de savoir bien s'entourer. Le chef de l'Etat étant encore une fois l'autorité incontestable et incontestée de la diplomatie française, le président de la République doit donc choisir d'excellents collaborateurs. Nicolas Sarkozy a ainsi, au cours de ces cinq dernières années, pu s'appuyer sur une cellule diplomatique conduite par un diplomate chevronné, Jean-David Lévitte qui a accompagné discrètement le président dans la majeure partie de ses déplacements internationaux. Le conseiller pour les affaires européennes, en lien avec le cabinet du Premier ministre et le secrétaire général pour les affaires européennes, jouent également un rôle essentiel sur ce point. Nicolas Sarkozy a su concilier ces deux qualités durant son quinquennat.
Si François Hollande devait donc entrer à l'Elysée au mois de mai prochain, il ne devrait pas oublier ces quelques conseils qui apparaissent déterminants et qui donneront le « là » de la diplomatie française dans les premières semaines de son mandat.
Il devra compter sur une équipe à la fois expérimentée et renouvelée et dans son entourage, des équipes s'activent déjà. Il peut compter sur des responsables politiques expérimentés, des poids lourds comme Elisabeth Guigou mais aussi des diplomates qui se sont engagés à ses côtés, enfin des personnalités politiques plus jeunes.
Quoi qu'il arrive, les compétences existent : il suffira que le chef d'orchestre sache mener la danse et cela est un art incontestablement
Patrick Martin-Genier
Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, Vice-Président et éditorialiste du site Fenêtre sur l'Europe.