Face à la crise et à la baisse de l'activité économique, les marchés du travail nationaux en Europe ont montré leurs forces, mais surtout leurs faiblesses : ajustement de l'emploi à la production trop rapide et excessif en Espagne ou trop lent en Italie, combinaison déséquilibrée de la flexibilité et de la sécurité au détriment du second élément, précarisation et paupérisation focalisées sur certaines catégories d'actifs (jeunes, seniors, immigrants) dans la majorité des pays européens.
La détérioration généralisée de la situation des marchés du travail nationaux en Europe, dont les causes structurelles sont désormais identifiées, exige des réformes en profondeur.
Les nouveaux gouvernements en Espagne (Rajoy) et en Italie (Monti), mais aussi au Portugal (Passos Coehlo) se sont engagés à réformer leurs codes du travail respectifs. Ces pays, tout comme demain, inévitablement, la France et même l'Allemagne, sont confrontés à une problématique de fond identique : réduire le dualisme sur leur marché du travail qui scinde la population active en deux et qui fournit à une partie, sécurité et stabilité de l'emploi et à l'autre, majoritaire, une précarité génératrice d'insécurité et d'incertitudes.
Les réformes dans ces trois pays visent donc à rapprocher les situations en CDD et CDI, voire à envisager la création d'un contrat unique. A l'ordre du jour des discussions : la facilitation des conditions et la baisse du coût des licenciements, l'introduction de périodes d'essai ou d'apprentissage, ou encore la refonte des allocations-chômage. Ces éléments de réforme visent à fluidifier les marchés du travail et la création d'emplois, en favorisant les employeurs et en se focalisant sur les coûts salariaux à l'image de l'Allemagne.
Cependant, la baisse de la consommation qui devrait en découler, pourrait sanctionner la croissance.
Quant à l'Allemagne, elle ne sera pas épargnée par les réformes, malgré la bonne résistance de son marché du travail. L'OCDE avertit : les réformes doivent se poursuivre surtout en raison du choc démographique, afin de ne pas grever le potentiel de croissance du pays. Font notamment office de recommandations, l'augmentation du taux d'emploi et à temps complet des femmes, la poursuite de l'allongement de la vie active, l'intégration des immigrants et le développement de la migration professionnelle, ainsi que la montée en compétences de la population.
Parmi ces éléments de réformes, nous pouvons cependant regretter trois choses : tout d'abord, la faible focalisation sur le rôle des systèmes d'éducation et de formation, malgré l'initiative de l'Espagne qui envisage de réviser les modalités de la formation professionnelle (création d'un droit individuel à la formation professionnelle, soutien des contrats en apprentissage). Le deuxième élément porte sur l'acceptation sociale.
Le rôle des partenaires sociaux et du dialogue social est fondamental. L'Espagne a engagé sa réforme sans consultation préalable de ses partenaires sociaux, au risque d'échouer comme en 2003. Aujourd'hui, face aux propositions de réformes, dont certaines écorchent les conditions du dialogue social, les grèves générales en Italie, Espagne et Portugal se multiplient, soutenues par certains syndicats parfois nationalement majoritaires et une population en mal de repères.
Or l'acceptation sociale est, sans doute, une condition sine qua non à la reprise d'une croissance viable en Europe. Enfin, troisième élément, l'absence de dimension transnationale de ces réformes. N'est-il pas vrai que les opportunités de carrière sont élargies lorsque la mobilité hors des frontières est envisageable ? Que faire, par exemple, pour ces jeunes Espagnols ou Portugais émigrants et dont l'insuffisance d'Europe sociale ne peut garantir une continuité de leurs droits sociaux et fiscaux ? L'Union ne devrait-elle pas
être une chance d'améliorer son avenir pour des milliers de chômeurs ? C'est sur ces trois points que nous attendons une réponse de la Commission européenne.
Le paquet Emploi, dont la sortie est fixée à la mi-avril, nous l'espérons, s'y focalisera.
Interface n°75 avril 2012 de Confrontations europe
Helène Zwick est chargée de recherches à Confrontations europe