par Carole Ulmer, , le vendredi 04 février 2011

L'heure de la mise en œuvre a sonné pour les propositions législatives de la Commission européenne et pour le rapport de la Task Force Von Rompuy sur la gouvernance économique. Le semestre européen est maintenant au cœur de tous les travaux, dans un calendrier particulièrement serré. Commission et Conseil font front commun pour saluer les avancées de l'Union en la matière et mettre en musique une partition si durement écrite. Non sans quelques dissonances… Partant du constat juste – et non de la version édulcorée de certains dirigeants nationaux clamant que l'Europe est en convalescence – que "les conséquences de la crise se font toujours durement ressentir", la Commission identifie 10 priorités d'action pour l'année 2011 dans trois domaines majeurs.


Elle invite le Conseil européen à signer un accord au printemps dans lequel les Etats membres (EM) s'engageraient à les concrétiser au sein de leurs programmes nationaux de stabilité et de convergence respectifs.

-1- Conditions macroéconomiques : L'analyse au Parlement européen du paquet législatif sur la gouvernance économique décliné en 6 rapports distincts, est entourée d'un certain flou et d'une certaine cacophonie. La question de la quasi-automaticité des sanctions est toujours au cœur des échanges, et nombreux sont les députés qui en appellent à un véritable débat public, avec les parlements nationaux, sur la coordination budgétaire. En outre, les mesures pour "accélérer la restructuration du secteur bancaire" doivent aussi recevoir l'attention qu'elles méritent, le " cancer de la crise bancaire" pèse toujours. Michel Barnier s'est engagé à réaliser de nouveaux stress-tests "plus rigoureux, crédibles et totalement transparents", prenant en compte le risque souverain et les questions de liquidité. Espérons qu'ils soient plus efficaces qu'en 2010.

-2- Mobilisation des marchés du travail et la création d'emploi.

Si l'ambition est louable et la question du développement des compétences en effet une question centrale pour la relance, on ne peut toutefois que regretter une présentation très semblable à celle de la Stratégie de Lisbonne -dont on sait l'insuccès-, et l'absence de mention du dialogue social dans l'anticipation des restructurations.

-3- Les mesures favorisant la croissance et l'exploitation du potentiel du Marché unique.

Confrontations Europe a encouragé l'Union à marcher sur deux pieds pour sortir
de la crise en considérant non seulement la stabilité mais aussi la croissance. Un bon point donc ! Toutefois, la conception de la relance du Marché unique est limitée à certains aspects du SMA (1)que sont l'application de la directive service, le commerce électronique (fin du critère géographique), le numérique, ou l'accès plus symétrique aux marchés publics avec l'étranger. "Certains progrès dans le domaine de la fiscalité" sont appelés, mais très timidement, de leurs vœux (TVA, CCTB, imposition du secteur financier, ou de l'épargne) et on sait l'opposition de certains pays et groupes politiques sur ce sujet. De même, si la question centrale du financement est évoquée, on ne peut que réclamer une clarification: l'impulsion du financement public pour l'investissement de long terme nous semble en effet nécessaire.

Il semble que ni le Conseil ni la Commission n'envisagent un deal politique à la Mario Monti pour parvenir à une rénovation du MI ; c'est très regrettable. On ne peut que mettre en garde contre une approche trop "market-oriented " sous la pression des Anglais qui rejettent toute idée de politique industrielle, les biens publics européens et autres SIG, et toute dimension sociale. A l'heure où l'on essaie de renforcer la compétitivité de l'Union, comment peut-on négliger les gains de compétitivité majeurs qui seraient issus de l'innovation dans l'organisation du travail avec des politiques visant à combler le retard des compétences, ce qui nécessiterait un véritable dialogue social? On le sait, les ajustements seront longs et douloureux, mieux vaut les penser dans l'adhésion des sociétés plutôt que dans leur opposition.

Interfaces janvier 2011


Carole Ulmer est rédateur en chef d'Interfaces à Cnfrontations Europe

http://www.confrontations.org

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