par Baudouin Bollaert, le mercredi 02 mars 2011

La chute du Mur de Berlin en 1989 et l'effondrement de certaines dictatures arabes, en 2011, sont-ils d'une dimension historique comparable ? Peu importe, en vérité. L'important, pour les Européens, est de se montrer à la hauteur des événements.

Leur réponse à la chute du Mur de Berlin a tenu dans un mot : élargissement. Si le processus d'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale à l'Union européenne n'a pas été facile, loin de là, la plupart d'entre eux ont finalement été admis dans la "maison commune" en 2004.

Avec les pays arabes, pas d'adhésion possible.


Mais si les Vingt-sept ont décidé de consacrer la journée du 11 mars prochain à un sommet sur la crise libyenne, les révolutions arabes et leurs conséquences pour l'Europe, c'est qu'ils estiment pouvoir agir. Aristote écrivait déjà au IVème siècle avant Jésus-Christ : "De la Libye vient toujours quelque chose de nouveau… "

La Haute représentante pour la politique étrangère de l'Union, Catherine Ashton, a été chargée de préparer ce sommet extraordinaire convoqué à la demande du Premier ministre britannique, David Cameron, et du président de la République française, Nicolas Sarkozy.

La France a quelques idées en tête et le tout nouveau "patron" du Quai d'Orsay, Alain Juppé, s'en est fait l'écho lors de sa prise de fonction : "Il va nous falloir refonder l'Union pour la Méditerranée, a-t-il affirmé. C'était une initiative prémonitoire."

L'Union pour la Méditerranée, lancée le 13 juillet 2008 à l'initiative de la France dans le but de redynamiser le partenariat euro-méditerranéen créé à Barcelone, treize ans plus tôt, pour tenter de réduire la fracture entre les deux rives de "Mare Nostrum", pacifier la région et rééquilibrer l'UE vers le sud, mérite en effet que l'on s'intéresse de nouveau à elle…

Son échec, jusque là, s'expliquait par la permanence du conflit israélo-palestinien, la mollesse de nombreux Etats concernés et, enfin, la crise économique et financière qui secoue le monde occidental depuis trois ans, obligeant plusieurs pays de la zone euro à se serrer la ceinture de façon drastique…

Aujourd'hui, la France et son président ont beau jeu de dire qu'ils avaient vu juste, que les priorités évoluent et que l'Union pour la Méditerranée – dénoncée il n'y a pas si longtemps comme une "usine à gaz" – se justifie pleinement pour aider les nouvelles démocraties arabes, faire face aux vagues d'immigration prévisibles et empêcher une éventuelle recrudescence d'attentats terroristes.

Dans l'immédiat, l'UE pare au plus pressé. La commissaire à l'Aide humanitaire, Kristalina Georgieva, vient d'exprimer sa préoccupation quant à l'évolution de la situation en Libye. La Commission européenne avait déjà approuvé, le vendredi 25 février, 3 millions d'euros d'aide humanitaire d'urgence. "Nous allons fournir une aide supplémentaire", a dit Mme Georgieva, "mais pour l'heure, ce n'est pas de l'argent que réclament les organisations partenaires, mais un soutien sécuritaire."

D'autre part, l'arrivée de 5000 boat people tunisiens sur l'île italienne de Lampedusa a conduit la Commission à renforcer Frontex, son agence de surveillance des frontières de l'Union. L'île de Lampedusa fait en effet partie de l'espace Schengen qui autorise la libre circulation des personnes, d'un pays membre à l'autre, sans contrôle.

Il sera évidemment question de tout cela, le 11 mars, lors du sommet extraordinaire préparé par la baronne Catherine Ashton et son équipe. Mais Alain Juppé semble vouloir aller plus loin. "Nous devons anticiper (...) l'essor de l'Afrique au XXIe siècle," a-t-il déclaré. " Ce serait pour nous une faute stratégique que de relâcher notre présence sur ce continent avec lequel tant de liens ont été construits au fil de l'histoire."

M. Juppé parlait d'abord, bien sûr, en tant que chef de la diplomatie française. Mais son message pourrait utilement être repris par les Vingt-sept…


Baudouin Bollaert est ancien rédacteur en chef au Figaro, professeur à l'Institut catholique de Paris.

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