La démission du Premier ministre portugais M. Socrates, le 23 mars, à la veille du conseil européen de Bruxelles, à la suite du rejet par le parlement de son plan d'austérité de même que la défaite du parti du Premier ministre Brian Cowen en Irlande au mois de février montre que les peuples ne sont pas prêts à accepter n'importe quelle cure d'austérité qui ne répondrait pas à un certain nombre de conditions, notamment l'équité sociale.
Une opinion publique très réactive
Les opinions publiques sont devenues très réactives aux différents événements : à Londres, ce week-end, on a également manifesté contre l'austérité. La victoire de la gauche en France montre aussi les vives préoccupations face aux mesures qui pourraient être prises dans le cadre du mécanisme européen de stabilité. Enfin, la cinglante défaite d'Angela Merkel dans le Bade-Wurtemberg montre également que, sur le plan de l'énergie nucléaire, les événements du Japon devraient avoir des conséquences notables dans les mois et années qui viennent en ce qui concerne les enjeux politiques.
S'agissant du pacte de stabilité destiné à mettre l'Europe à l'abri des secousses spéculatives, de quoi a-t-on entendu parler au cours de ces dernières semaines ? Essentiellement des exigences de la chancelière allemande Angela Merkel, qui semble avoir imposé au président français le choix stratégique fait par le patronat allemand et les libéraux consistant à faire porter la charge des sacrifices essentiellement sur le travail et non sur le capital, malgré le principe d'une taxe sur les transactions financières internationales dont les modalités restent assez imprécises.
Vers une crise sociale ?
Il s'agirait de reconquérir la compétitivité des économies en faisant reculer l'âge de départ à la retraite jusqu'à presque soixante-dix ans, en déconnectant la hausse des salaires sur l'inflation, en diminuant la vocation protectrice de l'assurance sociale ou plus précisément et sans le dire, en distillant les instruments pouvant conduire à moyen terme à la mise en place d'une médecine à deux vitesses.
Le conseil européen des 24 et 25 mars a donc mis en place le mécanisme permanent de stabilité destiné à éviter les futures crises financières et la chute de l'euro.
Sans nier la nécessité de réaliser des économies, ce plan avait, avant même son adoption, fait naître des craintes que les mesures choc envisagées pourraient susciter une crise autrement plus grave : une crise sociale sans précédent pouvant avoir des conséquences politiques majeures.
Or toute cure d'austérité devrait passer par des mesures qui soient équitables. L'équité sociale constitue en effet le seul moyen de préserver un minimum de stabilité politique et de cohésion sociale. Or tel n'est pas aujourd'hui le sentiment des populations, notamment française, pour qui l'augmentation considérable du coût de la vie ne trouve plus guère de compensation dans l'augmentation des salaires.
Ne pas oublier la dimension sociale
Si l'on n'y prend garde, le mécontentement social risque de grandir encore plus. Conscient de ce risque, Herman Van Rompuy, le président permanent du conseil européen, a simplement reçu, les 24 et 25 mars dernier lors du conseil européen à Bruxelles, une délégation des syndicats pour leur assurer, sans grande conviction, qu'il n'était pas question de démanteler le système de protection sociale mais de favoriser la création d'emploi
Lors de son audition devant la commission des affaires européennes du Sénat le 22 mars dernier, le ministre Laurent Wauquiez avait annoncé une sorte de sommet commun avec les syndicats. Rien de tel n'a été transpiré, ni dans les débats du conseil, ni dans le communiqué final du conseil européen.
C'est pourquoi, il convient aujourd'hui de soutenir l'initiative de Michel Barnier relative à un pacte pour l'économie sociale de marché. Celle-ci devrait aujourd'hui passer à la vitesse supérieure afin de trouver des applications concrètes qui pourraient être décidées d'ici la fin de l'année ou au plus tard au début de l'année 2012. Il s'agit encore une fois d'une exigence d'équité, condition sine qua non de l'adhésion des peuples au projet européen.
Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes