Le sommet du G20 des chefs d'Etat et de gouvernement s'est donc terminé vendredi soir sur un satisfecit. Nicolas Sarkozy peut s'enorgueillir d'avoir mis un terme à la terrible incertitude qui pesait sur le plan de sauvetage de la zone euro en contraignant le Premier ministre grec à renoncer à son référendum.
Un référendum abandonné
Ce dernier avait été ni plus ni moins que "convoqué" tel un mauvais élève et non pas invité au G20. Il s'agissait pour lui de s'expliquer sur sa décision surprise de soumettre le plan d'aide de l'Union européenne à référendum, annonce qui avait créé la stupeur à l'Elysée, provoquant une réaction immédiate du couple franco-allemand.
On remarquera à ce sujet que s'agissant de la dette grecque, le coupe Sarkozy-Merkel a continué à mener la danse à tel point que l'on peut se demander ce que les autres pays de l'Union européenne sont devenus. Mais quitte à être moteur, mieux vaut l'être jusqu'au bout.
Georges Papandréou n'avait pas le choix : faute d'y renoncer avec la perspective de voir le "non" l'emporter largement, la Grèce allait droit dans le mur ; la faillite était assurée et en l'absence de toute certitude quant à la mise en oeuvre effective de la cure d'austérité promise au peuple grec, aucun centime d'euro ne lui aurait été versé. Or les caisses de l'Etat grec étaient prévues pour être vides le 15 décembre prochain.
Une stratégie délibérée pour provoquer un électrochoc ?
Quelle aurait été la réaction du peuple grec si plus aucune dépense n'était effectuée et si les salaires des fonctionnaires n'étaient plus payés ?
Il s'en serait suivi à coup sûr des émeutes qui aurait pu déstabiliser ce pays au moment où-simple hasard ou action réfléchie-le Premier ministre grec vient de changer l'intégralité de la haute hiérarchie militaire ?...Un scénario catastrophe a-t-il été envisagé ?...
Il faut dire que l'annonce du référendum n'a probablement pas été comprise comme il se devait. Il semble que face à l'intransigeance de la droite parlementaire du parti Nouvelle Démocratie d'accepter les mesures promises par le plan d'aide au pays, face aussi à des tensions au sein même de la coalition gouvernementale, Georges Papandréou n'a eu d'autre choix pour provoquer une sorte d'électrochoc.
Cette démarche a été payante dès lors que le chef de l'opposition a accepté l'idée d'une coalition gouvernementale dans la perspective de prochaines élections législatives.
Le choix de rester dans l'euro est le bon choix ; en sortir aurait conduit ce pays à la ruine et à la soumission totale aux exigences du Fonds monétaire international dont la directrice, Christine Lagarde, aurait alors pu se conduire en Proconsul de la Grèce
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Pour autant, des incertitudes demeurent
Les jeux sont-ils faits pour autant ? Tandis que Barack Obama a donné un coup de pouce à Nicolas Sarkozy en vantant ses mérites et son courage, y compris lors d'une éventuelle future campagne électorale, il convient de faire preuve de la plus grande prudence.
En effet et même si aucune personne responsable, compte tenu de la gravité de la situation, ne peut parier sur l'éventuel échec du plan laborieusement élaboré par l'Union européenne et entérinée par le G20, certaines fragilités de ce plan sont à relever.
En premier lieu, on ne sait pas encore qui viendra financer le Fonds européen destiné à secourir la Grèce et les pays qui en auront besoin.
Fidèle à sa ligne de conduite qui pourrait se résumer par l'expression "aide-toi et le ciel t'aidera", la Chine a clairement dit que c'était à l'Europe de résoudre ses problèmes de la dette avant tout. On peut alors se demander quand et si les 100 milliards de dollars annoncés par ce pays arriveront dans les caisses du fonds de secours qui doit normalement, selon les résolutions des pays de l'Union européenne, être doté de 1000 milliards d'euros.
En deuxième lieu, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la Grèce, il n'est pas sûr non plus que l'effacement de 50% des créances des banques sur sa dette suffise à rétablir la crédibilité de ce pays, notamment sur le marché des obligations.
En troisième lieu, les conséquences sur les banques, notamment françaises, vont être importantes et vont passer, outre par le licenciement de nombreux personnels, également par des facturations plus importantes pour les clients.
La dette grecque est donc un problème si épineux que la chancelière allemande vient en outre de déclarer que la résolution de ce problème prendrait dix ans : à ce terme, il y a longtemps que tant Angela Merkel que Nicolas Sarkozy seront partis du pouvoir
Une solidarité fragile
En dernier lieu, il n'est pas sûr que la solidarité européenne ait été aussi solide que cela. Le président de la commission européenne n'a pas toujours été sur la même longueur d'onde que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Le président de l'Euro-groupe, Jean-Claude Juncker, se voit doublé et cerné par le président permanent de l'Union européenne, Herman van Rompuy, qui a toute la confiance du couple franco-allemand.
Quant au Premier ministre britannique, il n'a eu de cesse depuis son accession au pouvoir, de torpiller l'Union européenne. Après s'être emporté contre le fait qu'il ne dispose pas de pouvoir décisionnel au sein de la zone euro puisque la Grande-Bretagne a fièrement décidé de rester à l'écart, M. Cameron échafauderait différents scenarii dont celui de l'éclatement de la zone euro qui remettrait son pays au cur d'une Europe affaiblie. M. Cameron a déclaré récemment que son seul objectif était la défense des intérêts de son pays
La Grande-Bretagne reste ainsi fidèle à l'image d'un pays qui a toujours parié sur une Europe faible censée devenir une vaste zone de libre-échange.
Seulement quelques semaines après avoir accédé au pouvoir, il se rendait ainsi en Turquie pour prôner son entrée quasiment sans conditions dans l'Union européenne en critiquant à la fois le général de Gaulle et la France sans nuance
Seuls les experts de la chose européenne pourront bientôt déchiffrer ce qui se passe lors des conseils européens. Au moins une personne reviendra chez elle sûre d'avoir pris des courts de gouvernance européenne : Barack Obama qui, cependant, ne semble toujours pas avoir compris qui décidait quoi dans le Vieux Continent
Mais le pire serait que ce qui a été décidé ne fonctionne pas. Les bourses, qui font preuve depuis des mois d'une sensibilité à fleur de peau, ne s'en remettraient pas de si tôt.
Surtout si après la Grèce, venait le tour de l'Italie, voire d'un autre pays, même si l'on n'ose pas bien sûr penser à la France qui souhaite à tout prix sauvegarder sa note « AAA », c'est-à-dire son statut de premier de la classe... Le plan d'austérité échafaudé pendant tout le week-end et entériné ce jour en conseil des ministres devrait nous donner des indications précieuses sur ce point...
Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de paris, spécialiste des questions européennes