Contre la tentation de coup des chefs d'Etat franco-allemand.
Un leadership commun pour une Union européenne vraiment fédérale et démocratique.
La NON-REPONSE franco- allemande
La proposition du directoire franco-allemand censée sortir l'Europe du tourbillon des crises n'a rien d'une solution. La crise financière actuelle est avant tout une crise politique.
Parler de mini-changements de traité est un bluff qui nécessitera de toute façon une conférence intergouvernementale fastidieuse. De simples ajustements de protocoles sont inacceptables car ils s'affranchissent de tout processus démocratique notamment des parlements nationaux et européen. Si les gouvernements s'engagent sur cette voie, le parlement européen ira devant la cour de justice pour trancher. Le court-circuitage systématique des instances communautaires et la non-application des règles récemment adoptées sur la gouvernance économique font partie du problème.
Faute d'actions en temps voulu, la crise de la dette souveraine est en train de devenir une crise de l'euro qui menace les fondements de la construction communautaire de l'Union. Soixante années d'efforts pour rapprocher les Européens pourraient être réduits à néant. Dans l'intérêt de l'Union européenne entière et sous le regard du reste du monde, la crise de l'euro appelle des réponses vigoureuses. Mais la crise d'aujourd'hui est bien plus qu'une tornade financière aux conséquences économiques et sociales dévastatrices. Les citoyens et en particulier les jeunes générations doutent de l'avenir, tiraillés entre exigences de rigueur et espérance de la croissance.
AGIR MAINTENANT
Pour résoudre l'aspect financier de la crise nous avons besoin immédiatement :
- Mettre en uvre complètement la paquet de gouvernance économique « 6 pack » qui a été voté en 2011 par le Parlement européen et le Conseil, en particulier la surveillance macroénomique.
- Des mesures rassurant les marchés et qui consisteraient à mutualiser temporairement la dette des États membres, au-delà de 60 % du PIB, avec un objectif de réduction progressive de ce stock (proposition du Sachverständigerat allemand). Au-delà, la création d'un Fonds monétaire européen reste prioritaire.
- Proposer une feuille de route pour l'introduction d'Eurobonds réels.
- Recourir à la BCE tout en respectant son indépendance et/ou de faire du FEFS/MSE une banque, pouvant intervenir directement sur le marché.
- Une nouvelle stratégie de croissance est indispensable. Elle doit être fondée sur ce budget fédéral européen et financé par des ressources propres et l'utilisation massive d'emprunts obligataires à fin d'investissement (« Project bonds »). De tels « Project bonds » pourraient fournir des fonds pour l'investissement dans la modernisation et la transformation écologique de l'économie européenne et devraient se concentrer dans des domaines comme les transports (rail, route, voie fluviales), l'énergie (efficacité énergétique , smart grid, production d'énergie verte) et dans des projets de recherche scientifique à grande échelle.
Par ailleurs, avant tout changement de traité, toutes les potentialités du traité actuel doivent être explorées y compris les coopérations renforcées.
L'Union et l'Euro
Le choix ne porte pas sur une zone euro à 17 ou une Union à 27 mais sur les instruments permettant de renforcer la zone euro en évitant les dérives intergouvernementales actuelles et réaffirmant le besoin d'une méthode communautaire forte. L'article 136 TFUE et la clause de flexibilité sont une première piste pour renforcer la gouvernance de l'Euro.
Inutile de pérciser que la règle de l'unanimité constitue un obstacle fondamental aux avancées communautaires. Comment préserver les perspectives européennes et communautaires plus larges et à long terme? En effet, certaines mesures spécifiques à la zone euro s'imposent d'urgence. Si la zone euro échouait à se consolider à brève échéance, c'est toute l'intégration européenne qui serait menacée. Dans ce contexte, une des questions prioritaires est de préserver l'exigence de légitimation démocratique de toutes les décisions prises à l'appui de la monnaie unique. Tout mécanisme de décision devra associer les états membres prêts à adhérer prochainement à l'euro, la Commission et le Parlement européen.
Le contrôle démocratique n'est pas négociable
L'absence de contrôle démocratique sur les décisions en cours a un impact direct aux niveaux économique, social et fiscal. La tactique actuelle est d'utiliser la méthode intergouvernementale pour passer outre le contrôle démocratique national.
Contrairement à ce qui est aujourd'hui proposé au Conseil européen, un gouvernement de l'Euro digne de ce nom doit impérativement se soumettre à un débat public et rendre des comptes. Le pacte Euro+ ignore ces exigences démocratiques fondamentales et contourne les prérogatives des partenaires sociaux.
Un tel gouvernement devra élaborer et conduire la politique économique et fiscale. Il devra aussi superviser l'application des critères économiques et budgétaires, particulièrement en ce qui concerne les dispositions du Pacte de stabilité et de croissance et la surveillance macro-économique.
La gouvernance économique doit être organisé au sein de la Commission européenne sous le contrôle démocratique du Parlement européen. Elle sera dirigée par un vice-Président aux Affaires économiques et monétaires ainsi que de l'Eurozone et elle devra inclure tous les commissaires en charge des dossiers économiques, sociaux et environnementaux. Ce vice-président représentera la zone euro dans les Institutions financières internationales et présidera l'euro-groupe et le Conseil EcoFin.
DEMAIN
Au-delà de la crise, une Union authentiquement démocratique et une croissance soutenable. Des politiques économiques pour une croissance durable
La discipline sans solidarité ni investissement ne constitue qu'une composante de la solution.
Parallèlement aux mesures renforçant la discipline budgétaire, nous avons besoin d'actions allant dans le sens d'une croissance durable. Sans un nouvel élan nos économies sont menacées par la récession et la discipline des finances publiques ne sera qu'un engagement intenable.
Il est urgent d'exploiter le traité dans tous les domaines qui n'exigent pas sa modification tels que la taxe sur les transactions financières, ou la pleine réalisation du marché intérieur y compris dans sa dimension sociale qui constitue le socle de notre prospérité.
Nous avons également besoin d'un budget qui soit un instrument crédible de politique économique européen, fondé exclusivement sur des véritables ressources propres, tel que une FTT, une taxe carbone et une assiette consolidée pour les entreprises.
Développer un espace démocratique et social européen
La crise a particulièrement mis en lumière le fait que le projet européen partagé ne peut exister que si les débats nationaux sont européanisés dans le cadre d'un véritable espace public européen. La construction d'une union politique européenne représente une occasion historique sans précédent pour faire sortir la démocratie de son cadre historique national et aboutir à une réelle démocratie transnationale sur base fédérale. La collaboration avec les Parlements nationaux et/ou régionaux doit également constituer une priorité pour éviter que ne continue de se développer le double langage sur les questions européennes dans les enceintes démocratiques nationales et/ou régionales. Dans ce contexte, il faut en finir avec les référendums nationaux sur les questions européennes. Le seul referendum possible sera un référendum paneuropéen qui fonctionnera sur la base de la majorité des voix des citoyens dans une majorité qualifiée des Etats membres.
Afin de continuer à développer encore plus la légitimité du Parlement européen et du processus démocratique européen, il faudrait établir des listes transnationales pour les élections au Parlement européen. De plus, un renforcement de la légitimité démocratique du président de la Commission est nécessaire. Cela impliquerait son élection directe ou indirecte de sorte que les candidats à la présidence de la Commission soient préalablement élus au Parlement européen.
Le développement d'un espace public européen ne peut exclusivement se fonder sur le changement d'échelle des scrutins. Il nécessite la participation active des citoyens. Il se construira également par la transnationalisation de l'espace médiatique, la formation et échanges entre citoyens, acteurs et groupes de citoyens européens à grande échelle (sur le mode Erasmus), le suivi de l'Initiative Citoyenne Européenne et de toutes les formes de participation citoyenne transnationale à activer avec l'appui des nouveaux médias sociaux, entre autres.
ETAPE SUIVANTE : Révision des Traités
Cela serait une erreur de se ranger parmi ceux qui s'opposent à la révision du traité, mais la révision du traité ne sera acceptable qu'à des conditions précises. Il serait néfaste de procéder à l'élaboration secrète et hâtive et à la mise en uvre d'un traité ad hoc pour un groupe limité de pays au sein de la zone Euro, puisque les marchés vont immédiatement attaquer ceux qui n'en feront pas partie avec des conséquences dramatiques pour eux, pour la zone Euro et pour l'Union dans son ensemble. Puis surtout, les peuples européens ne l'accepteront pas.
Le nouveau traité ne pourra pas se limiter à fixer des nouvelles règles et les sanctions en cas de violation dans le cadre de la gouvernance de l'Euro mais il devra compléter le cadre institutionnel, répartir à nouveau les compétences entre l'Union et les États membres en renforçant celles de l'Union dans les domaines ayant une dimension européenne, préciser le partage des pouvoirs entre les institutions communes en approfondissant la dimension démocratique de l'Union et établir les instruments garantissant la croissance, la protection des droits économiques et sociaux ainsi que la solidarité, en partant des "Project bonds" indispensables pour stimuler les investissements dans des domaines tels que les transports (rail, route, voie fluviales), l'énergie (efficacité énergétique, smart grid, production d'énergie verte) et des projets de recherche scientifique à grande échelle.
Une Convention
Afin de faciliter la voie vers un vrai compromis démocratique, nous proposons la convocation d'une convention constituante sur la base de l'article 48 du Traité de Lisbonne. Nous n'avons pas oublié les échecs d'Amsterdam et de Nice à produire des solutions durables.
Cette nouvelle Convention devra réunir dans une même enceinte des représentants du PE, des parlements nationaux, de la Commission et des Chefs d'État ou de gouvernement. Les organisations des partenaires sociaux et de la société civile doivent être pleinement associés. Nous proposons une Convention plus participative dans son format que la précédente (webstreaming des travaux, forums sur internet tous les mois en fonction de l'avancement des travaux, panels de citoyens...). C'est aussi une façon de préparer la ratification ultérieure, quelle qu'en soit la modalité. Le processus de ratification pourrait également prévoir la réunion d'une grande Agora des citoyens européens.
La Convention devrait travailler de manière flexible afin d'affronter la délicate question de la naissance des organes de la zone euro, sans perdre de vue les ambitions d'ensemble. Elle devrait aussi fixer d'emblée des modalités de ratification afin d'éviter les blocages qui pourraient naître des réticences d'une minorité. En évitant notamment à une conférence intergouvernementale de remanier le texte issu de la convention.
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