par Philippe Herzog, le lundi 18 janvier 2010

Alors que les signes de reprise sont abondamment soulignés, Confrontations Europe maintient ses scénarios.


Le premier est celui d'une rechute qui serait liée aux nouvelles bulles financières, aux tensions pour le financement des dettes publiques, et à l'instabilité des marchés des changes. Le deuxième est celui d'une quasi-stagnation de longue durée en Europe. Et le troisième est celui d'un travail collectif et sérieux, qui d'ici trois ou quatre ans nous permettrait de sortir de la crise avec un nouveau régime de croissance durable : tel est notre premier voeu. C'est pourquoi nous demandons aux institutions communautaires des engagements précis avec un calendrier d'action pour la présente mandature 2009-2014. À défaut, la nouvelle stratégie UE 2020, qui nous semble malheureusement préparée à la hâte, serait bâtie sur du sable.

Notre deuxième voeu est que les Européens n'observent pas en spectateurs passifs le déplacement des zones de croissance dans le monde. Ces derniers jours, la Chine révise à la hausse ses perspectives de croissance au-delà de 9%, elle est reconnue comme désormais le premier exportateur mondial, elle crée une zone de libre-échange avec les pays de l'Asie du Sud-Est, et PetroChina devient le n° 1 mondial des entreprises en Bourse. En même temps, les Coréens ont remporté le contrat nucléaire avec les Émirats-Arabes-Unis, au grand dam de la France ; les Fonds souverains mettent le cap sur les pays en développement. Il est urgent pour l'Europe de revoir sa stratégie de compétitivité et de coopération.

Mon troisième voeu est de relancer l'effort suite à l'échec de Copenhague. Un échec évident car si tous les pays annoncent des engagements chiffrés, ils sont non contraignants et en dessous des nécessités. On stigmatise la Chine et l'Inde, mais que dire des États- Unis ? Il ne faut pas s'enfermer dans les oppositions, mais amplifier le mouvement civique et renforcer les objectifs de solidarité. Sachant que l'ONU n'a pu jouer son rôle efficacement, le concept d'une Institution mondiale pour l'Environnement est à promouvoir.

Mon quatrième voeu est que l'Europe se dote d'une vision pour la réforme du système financier. L'adoption d'un système de supervision européenne, grâce à la qualité du rapport de Larosière, sera une bonne nouvelle, mais supervision n'est pas régulation. Et s'agissant des règles, le risque qu'elles ne changent pas la logique du système financier est de plus en plus évident. Il faut consolider la position de l'Union, pour espérer avoir une position de force dans les négociations mondiales.

Une stratégie pour l'emploi est un objectif urgent. Le chômage frappe et de grandes restructurations sont devant nous, avec le risque de nouvelles suppressions d'emplois. Notre voeu est que l'Union européenne prenne un engagement ferme pour la défense et le renouveau du système industriel européen, en consolidant le marché intérieur et tous les secteurs d'activité par une dynamique formation-emploi-production, assortie des sources de crédit et de financement adéquates. Nos Entretiens économiques européens 2009 sont une riche contribution en ce sens.

Le sixième voeu est que les États prennent des engagements en vue de grandes réformes des finances publiques, avec un retour à l'équilibre à moyen-long terme. Il ne s'agit pas d'arrêter les soutiens publics à l'économie, et le renforcement de la présence des États et des institutions européennes dans l'économie est nécessaire. Encore faut-il qu'il soit efficace en donnant une priorité à l'investissement de long terme, humain et productif, et soit conduit en coopération étroite avec le secteur privé et la société civile.

Enfin, je souhaite que la guérilla politique franco-française incessante entre la gauche et la droite fasse place à l'émulation pour les réformes. Certaines, comme la réforme des universités, de la représentation syndicale, ou la taxe carbone, vont dans le bon sens ; d'autres sont plus contestables. Quand un pays a de telles tâches à accomplir, c'est le moment de le rassembler et non de l'enfoncer. Quant au débat sur l'identité nationale, il aborde un vrai sujet car il n'y aura pas de projet mobilisateur sans examen de conscience sur ce qui nous unit. Mais ce débat est fortement biaisé par les questions de l'immigration et de l'Islam ; et surtout, il est aberrant que l'identité nationale soit examinée indépendamment de l'identité européenne, alimentant ainsi l'ignorance du fait que notre identité est déjà partagée et doit l'être plus encore avec d'autres.

5 janvier 2010 :

Edito de Confrontations Europe la Revue, numéro 89 de janvier


Philippe Herzog est président-fondateur de Confrontations Europe

http://www.confrontations.org/

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