par Partick Martin-Genier, le mardi 26 janvier 2010

Un lynchage médiatique de Mme Ashton

Les nouveaux acteurs politiques issus du traité de Lisbonne n'ont pas été à la fête cette semaine. Si Hermann Van Rompuy nouveau président du conseil européen en exercice ne suscite aucune critique dans la mesure où il ne fait pas, pour l'instant parler de lui, Catherine Ashton, la nouvelle ministre des affaires étrangères a été la cible d'une sorte de lynchage à la fois par les médias et par les responsables politiques, notamment le Parlement européen.


Des voix se sont élevées pour critiquer le fait qu'elle soit restée trois jours à Londres pendant un week-end au lieu de se rendre à Haïti où venait de se dérouler un drame humain avec le tremblement de terre ayant entraîné la mort de plus de 70.000 personnes.

Cette critique est à la fois injuste et déplacée.

Si l'aide à Haïti constituait évidemment une priorité, quelle aurait été l'utilité que des nombreux responsables politiques se déplacent sur place pour constater ce que peut se voir à la télévision. S'il s'agissait de faire acte de compassion, il n'était pas besoin à Catherine Ashton de se rendre sur place. D'ailleurs, M.Barroso a pu après dépêcher sur place le commissaire en charge des affaires humanitaires : c'est ce qu'il convenait dès lors que ce dont a besoin le peuple haïtien est avant tout d'un soutien matériel concret et non pas d'une grande déclaration de politique étrangère.

La logique des grandes puissances

Certes, par-delà ce drame humain, les esprits se sont échauffés à propos d'Haïti. Face au déploiement de force humanitaire, le secrétaire d'Etat à la coopération M. Joyandet n'a pas hésité à parler d'occupation américaine en Haïti.

Il est vrai que la logique des grandes puissances a repris le dessus à cette occasion. Le président américain avait besoin de redorer son blason après ses reculades successives sur des dossiers d'actualité internationale. En se précipitant de cette façon en Haïti, les Etats-Unis ont de nouveau fait une démonstration de force même si tel n'était pas l'objectif initial. Entre show humanitaire et démonstration de force, il n'y a parfois qu'un pas.

Qu'est ce que Mme Ashton aurait pu apporter de plus ? Ce dont il faut être conscient en réalité, c'est que certaines ont décidé de lui savonner la planche. Le poste est déjà suffisamment délicat pour ne pas en rajouter.

Le Parlement européen n'a pas hésité à mettre en doute les compétences de la nouvelle haute représentante de l'Union européenne dans des termes qui n'ont pas toujours été très élégants.

Mais surtout, certaines capitales européennes, notamment celles des grands pays de l'Union européenne, bien qu'ils aient soutenu et voté le Traité de Lisbonne, voient finalement d'un mauvais œil cette nouvelle autorité qui les concurrence dans la conduite de la diplomatie européenne. Or Mme Ashton n'est pas seulement là pour inviter les personnalités de passage à prendre le thé…Donc les critiques qui l'ont visée trouvent leur source chez des responsables pas forcément bien intentionnés…Surtout que certains chefs d'Etat et de gouvernement n'ont probablement pas accepté que l'une des leurs ou un ancien premier ministre ne devienne pas le premier ministre des affaires étrangères de l'Union européenne…

Faire preuve d'un minimum de solidarité

Or il faut quand même en convenir : maintenant que le poste existe et qu'il a été pourvu, il serait à tout le moins correct de soutenir Mme Ashton. Car à travers elle, c'est la crédibilité de l'Europe qui est en cause ! Laissons donc là faire ses preuves, notamment à l'occasion de la visite qu'elle entreprend cette semaine aux Etats-Unis où elle devait rencontrer la secrétaire d'Etat américaine.

Les dirigeants européens devraient donc faire preuve d'un minimum de coopération et de soutien à Mme Ashton. Ce serait là un geste responsable.


Patrick Martin-Genier est maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, expert des affaires communautaires

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