par Laurent Bonsang, le mardi 04 mai 2010

Au-delà des responsabilités inhérentes aux choix que les Gouvernements nationaux de Grèce, du Portugal ou d'Espagne, ont pu faire et qui ont pour conséquences leurs situations économique et budgétaire actuelles, l'on ne peut éviter une question choquante et qui concerne les fameuses agences de notation pour lesquelles nous devrions mettre un carton rouge.

Je voudrais donc poser plusieurs questions par rapport à ces agences de notation.


Premièrement et question essentielle, celle de leur légitimité.

Quelle légitimité ont les agences de notation pour se permettre de monter ou de descendre des notes qu'elles décident elles-mêmes pour des Etats souverains, des Etats démocratiques, des Etats de Droit, des Etats dont les dirigeants ont la légitimité de leurs citoyens qui selon le principe du suffrage universel hérité du 19ème siècle est celui d'une personne-une voix et non que le poids électoral d'une personne est selon sa fortune.

De quel droit des agences de notation peuvent elles d'arroger pour décider du sort des Etats et par effet boule de neige de leurs ressortissants ?

De la question précédente, nous arrivons naturellement à la suivante. Si nous savons comment sont choisis les dirigeants des Etats, savons d'une part comment sont financées les agences de notation et d'autre part comment sont choisis leurs dirigeants ? Est-ce selon les principes démocratiques qui sont les principes fondamentaux de tout pays démocratique ou est-ce selon d'autres principes ?

Au niveau du financement des agences de notations, derrière la décision unilatérale de ces agences pour se permettre de noter des Etats, n'y a-t-il pas d'autres considérations notamment sur des différents qui pourraient exister entre leurs financeurs et les Etats en question ? Les agences elles-mêmes ne se vengeraient elles pas du fait que les Etats en question n'auraient pas suivi leurs « injonctions » ? Les agences de notations ne seraient elles pas à la fois juge et partie ce qui est contraire aux principes fondamentaux du Droit ?

Troisième question : les critères choisis par les agences de notations devraient ils être uniquement économiques et financiers ou ne devraient ils pas intégrer d'autres considérations comme le niveau social et des droits sociaux des Etats, le respect des droits fondamentaux, des Droits de l'Homme par les Etats, le niveau de démocratie, l'égalité femmes-hommes, l'interdiction du travail des enfants… ? En résumé ce qui est le travail quotidien du Conseil de l'Europe en particulier. Car peut-on mettre sur un même niveau des démocraties comme la Grèce, le Portugal ou l'Espagne d'un côté et de l'autre des pays comme la Chine dont on connaît le niveau de démocratie et du respect notamment des Droits de l'Homme, le Qatar (voir la rubrique dans ce numéro « du nouveaux aux Nations Unies pour les pays européens » suite aux réserves formulées par Qatar lors de son adhésion à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes), l'Iran, la Libye ou Cuba ?

Comme je l'indiquais au début de ce billet d'humeur, mon propos n'est pas de minimiser les responsabilités des Gouvernements nationaux, mais de poser des questions fondamentales et de faire la différence entre ce qu'est un Etat démocratique et ce qu'est une agence de notation dont les dirigeants sont totalement inconnus. Les agences de notations se permettent de noter des Etats : au nom de quelle légitimité qui serait plus importante que celle des Etats se le permettent elles ?


Laurent BONSANG est Président du ME77

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