par Jean-Guy Giraud, le jeudi 10 juin 2010

Dans une précédente brève (n°300), antérieure aux récentes décisions du Conseil européen puis des ministres des finances, il était en substance exposé que seule la création d'un pilier économique de l'UEM par révision des traités pouvait garantir - sinon la sortie de la crise-du moins la pérennité du régime de l'Euro.
Cette voie (clairement souhaitée par le Gouvernement allemand) a depuis été promptement écartée-ou-plutôt reportée à un "long terme reconductible" - par une majorité de Gouvernements ainsi que par la Commission, d'ordinaire plus réservée.



Le traumatisme de la ratification de Lisbonne

Ce rejet se fonde - non pas sur l'opportunité de la révision elle même - mais sur la difficulté de l'exercice de révision (en fait de toute révision) ou, plus exactement, de ratification d'un éventuel traité de révision. Le traumatisme du Traité de Lisbonne a en effet été causé, non par la négociation elle même (le traité initial de révision, pourtant extrêmement plus novateu
qu'un éventuel Maastricht II, en effet été "plié" en trente mois - voir note1), mais par la catastrophique conduite des procédures nationales de ratification , à commencer par le réferendum français de 2005 , facteur déclenchant de la remise en cause et de la re-négociation du projet , puis d'un nouveau train de ratifications parfaitement chaotiques et incontrôlées.


Un kit d'urgence indispensable

Quoiqu'il en soit, l'ampleur de la crise nécessitait bien sûr des mesures urgentes qui, ne pouvant être basées sur les dispositions actuelles du Traité de Lisbonne, devaient faire largement appel à des décisions de type intergouvernemental . Une sorte de kit d'urgence prenant parfois l'aspect d'une véritable "usine à gaz" juridique improvisée et dont la mise en œuvre effective demeure dépendante du bon vouloir des gouvernements et parlements
nationaux, actuels et à venir (par un heureux hasard, les gouvernements actuels de l'Allemagne et de la France sont en principe en place pour au moins 2 ans) .

Il est également clair que toute une série de dispositions - largement et opportunément basées sur la législation du marché intérieur - peuvent en principe être adoptées, sans attendre, à la majorité et font déjà l'objet de propositions de la Commission, plus active dans ce domaine que dans un passé récent.

Une mutation fondamentale ...

Mais l'essentiel de ce qui devrait constituer un pilier économique de l'UEM - cad un véritable gouvernement économique commun - ne peut être réalisé sans une transformation constitutionnelle préalable. Il s'agit d'une étape décisive à franchir dans la construction de l'Europe , franchissement qui ne peut être effectué "par furtivité" mais exige 1) dans la forme une révision de la loi fondamentale de l'Union - mais surtout 2) quand au fond , une négociation solennelle , publique et démocratique telle que prévue par le Traité de Lisbonne et dont l'élément principal est bien sûr une "Convention" réunissant les Parlements , les Gouvernements et les Institutions . Encore une fois, l'expérience de la Convention de 2002 a montré le potentiel de démocratie mais aussi d'efficacité d'un tel exercice.

...pour rétablir la confiance

On peut d'ailleurs ajouter que la seule perspective annoncée d'une mise à jour de la base constitutionnelle de l'UEM aiderait à convaincre les opérateurs financiers publics et privés internationaux de la détermination de l'Union à conforter durablement l'édifice de l'UEM dans son ensemble .

L'empilement de mesures d'urgence hétéroclites - allant du "special purpose vehicle" au super "pacte" de stabilité en passant par la création de 27 systèmes nationaux de garantie de la solvabilité des établissements financiers - ne suffira pas à rétablir la confiance , d'autant plus que l'entrée en vigueur de ces mesures elles mêmes demeure incertaine .

Une initiative du Parlement européen ?

La question de la réforme des traités mériterait donc d'être au moins ouvertement posée et débattue. La Commission l'ayant écartée d'un revers de main en la qualifiant hautement de "naïve", c'est le Parlement européen qui devrait s'en saisir. Pour la première fois dans l'histoire de l'UE , le Traité de Lisbonne habilite formellement le PE à prendre l'initiative d'un
projet de révision .

Il serait fidèle à sa propre tradition - remontant à Altiero Spinelli et au premier projet de Traité d'Union de 1984 - en décidant de se lancer dans cette entreprise avec la volonté de la faire aboutir avant la fin de son mandat - soit Juin 2014. Une belle occasion aussi de faire un usage novateur et visionnaire de ses nouveaux pouvoirs et responsabilités ...


Jean-Guy Giraud est président de l'Union pour une Europe Fédérale -France

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