par Patrick Martin-Genier, le lundi 28 juin 2010

G8 contre G20, Obama plus européen que les Européens, Herman van Rompuy contre Barroso, Sarkozy contre Merkel…La concertation européenne et internationale en ce moment a du plomb dans l'aile.


Refus de la taxe bancaire


Les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Toronto n'ont même pas été capables de se mettre d'accord sur une taxe bancaire internationale destinée à faire payer les banques pour certains excès spéculatifs. Certains Etats, comme le Canada ont fort logiquement fait savoir que puisqu'ils avaient eu une gestion vertueuse des finances publiques, il n'avaient aucune raison d'accepter cette taxe.

Force est de constater que ce sont les pays qui ont géré d'une façon frivole leurs propres deniers publics qui aujourd'hui voudraient mettre sur le dos des banques des responsabilités qui, il faut bien le dire, ne leur sont pas exclusivement imputables.

La crise grecque qui a failli faire imploser l'Europe a pour origine le mensonge d'Etat sur l'état des finances publiques et l'endettement de l'Etat grec.

Que des excès aient eu lieu, il n'est pas possible de le contester.Mais les Etats ont leurs propres responsabilités. Qu'il s'agisse des gouvernements de gauche ou de droite qui se sont succédé depuis une quinzaine d'années, la rigueur budgétaire n'a pas été au cœur des préoccupations, bien au contraire puisque la violation des règles posées par le traité de Masstricht a été même une volonté politique affichée sans complexe !

Face aux menaces d'implosion de l'euro, il s'agit aujourd'hui de faire payer à la fois les peuples, les banques afin d'une certaine façon, de leur faire payer les impérities des gouvernements.


Surmonter les désaccords franco-allemand


Si le refus de plusieurs pays du G8 d'accepter la taxe bancaire n'empêchera pas la France, l'Allemagne ou d'autres pays de l'Union européenne de la mettre en œuvre, on pourra s'interroger sur son efficacité si d'autres Etats refusent de l'appliquer.

Certains actifs financiers européens ne vont-ils pas être tentés de trouver refuge dans les banques de pays n'ayant pas insaturé cette taxe ?

L'Europe quant à elle, n'arrive toujours pas à sortir de la querelle franco-allemande, malgré l'unité affichée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à Toronto. La chancelière allemande a pu être d'autant plus conciliante lors du G8 qu'elle avait imposé quelques jours plus tôt plusieurs rebuffades à Nicolas Sarkozy sur la gouvernance économique.

Le chef de l'Etat avait ainsi annoncé la mise en place d'un véritable gouvernement économique de l'Union et Jean-Claude Trichet avait lui évoqué l'idée d'un "fédéralisme budgétaire". Tout cela disparu en quelques heures d'entretien même si les deux partenaires ont accepté l'idée très vague d'une gouvernance économique, le mot même gouvernance ne pouvant en tout état de cause signifier autre chose qu'une façon de traiter un problème au niveau gouvernemental…

Malgré l'examen préalable des grands équilibres budgétaires des Etats par la Commission européenne, il n'y aura pas non plus de fédéralisme budgétaire….

Certes, la chancelière a concédé que les Etats indisciplinés pourraient se voir infliger une sanction consistant en un retrait des droits de vote au conseil des ministres : mais cette disposition constituerait un casus belli à supposer même qu'elle puisse être mise en œuvre sans modification des traités.


Les institutions européennes déstabilisées


De leurs côtés, les institutions européennes tâtonnent. Qui de Herman Van Rompuy ou de José-Manuel Barroso doit devenir le chef d'orchestre de cette nouvelle discipline budgétaire européenne ? Qui devra conduire la diplomatie européenne sous la houlette un peu platonique de Mme Ashton, ministre des affaires étrangères de l'Union ? Quelle place devra prendre la présidence tournante de l'Union européenne qui apparaît comme une survivance archaïque ?

Bref, quelques mois seulement après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, on s'aperçoit qu'il faudrait déjà envisager un toilettage des institutions….Cela au moment même où d'autres candidats frappent à la porte de l'Union européenne que nous n'avons aucune raison de refuser…

Mais voilà : la France va bientôt entrer dans une période de turbulence électorale, l'Allemagne est affaiblie par une coalition chancelante, Berlusconi ne compte pas vraiment (pour lui seule la bureaucratie est responsable de tout), la Belgique est en crise avec un Premier ministre intérimaire jusqu'au mois d'octobre 2010, Cameron n'est pas dans la zone euro, les autres pays sont inaudibles.

Les conditions ne sont pas optimales pour la réforme. Il faut donc tenter de consolider ce qui existe et mettre à profit les deux années qui viennent pour relancer la réflexion sur la prochaine étape de la construction européenne.



Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, expert des questions européennes



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