Le couple franco-allemand, comme tous les couples, connaît des hauts et des bas. Mais ce qui vient de se passer entre le président Sarkozy et la chancelière Merkel montre, s'il en était besoin, que les deux pays peuvent impulser une vraie volonté politique.
Angela Merkel, alors que beaucoup de responsables politiques s'y opposaient, avait accepté de venir au secours de la Grèce en faillite. La coalition qu'elle dirige en avait été mise à mal et avait sérieusement tangué.
Nicolas Sarkozy au secours d'Angela Merkel
A Deauville, elle a donc en quelque sorte sinon demandé au président de venir à son propre secours sur la scène politique intérieure, en tout cas de l'épauler pour proposer une réforme a minima du traité de Lisbonne si laborieusement élaboré après l'échec retentissant du projet de Constitution européenne.
Il s'agit de proposer une réforme du traité pour inscrire dans ce texte une disposition selon laquelle un Etat membre de l'Union peut venir en aide à un autre en cas de menace de banqueroute, quitte à imposer à cet Etat une cure d'austérité sans précédent.
Nicolas Sarkozy peut bien faire cela pour la chancelière qui n'a pas ménagé son soutien au président à différentes occasions. Si en effet il existe des risques que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe interdise à l'avenir une telle possibilité, alors cela risquerait de mettre en cause l'actuel mécanisme de soutien laborieusement mis en uvre pour venir au secours de la Grèce.
Seulement voilà, entre le début du processus de révision a minima du traité de Lisbonne et l'obtention de sa ratification par l'ensemble des 27 Etats membres, il y a une route qui risque d'être longue et semée d'embûches
Une initiative semée d'embûches
Madame "rigueur" en a été déjà pour ses frais puisque le conseil européen de Bruxelles qui s'est tenue jeudi 28 octobre a imposé une cinglante fin de non recevoir à la chancelière qui avait exigé que soit intégrée dans la révision du traité la disposition selon laquelle des Etats peu vertueux pourraient se voir privés de droit de vote au sein du conseil des ministres
Herman van Rompuy, le président permanent du conseil européen, a donc été chargé de trouver ce que devrait être une révision a minima
Il va lui falloir développer ses plus grandes qualités de diplomate pour faire avancer sereinement le débat.
Car le risque est que la révision a minima soit plus consistante que ce qui devrait être envisagé. Et la probabilité qu'une telle révision échoue ne doit pas être minimisé
Le scénario que nous avons connu lors de la précédente révision où certaines Etats avaient menacé d'opposer leur veto à une révision des traités (Pologne, République Tchèque) pourrait se renouveler, pas forcément avec les mêmes pays d'ailleurs.
Il faudra compter en effet avec l'émergence d'un sentiment de petits et moyens Etats qui se plaignent d'être écartés du processus de décision en Europe au sein de laquelle un directoire des grands Etats tend à supplanter la majorité
Par suite, on serait tenté de dire qu'il est aventureux de se lancer aujourd'hui dans une révision des traités.Il serait aussi possible de dire que le traité de Lisbonne présente aujourd'hui des lacunes qui pourraient être comblées à l'occasion d'une révision plus large : et si les Etats osaient ?...
En tout état de cause, il y a fort à parier que, cette fois-ci, la France choisira la voie parlementaire pour la ratification de peur de devoir faire face à un nouveau "non"
Concilier la poursuite de la construction européenne et le débat démocratique semble être devenu de plus en plus problématique
Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des affaires européennes