par Noëlle Lenoir, le mardi 06 janvier 2009

2008, année de l'Europe, année des crises

Certaines étaient prévisibles comme la guerre entre la Géorgie et la Russie qui devait bien éclater un jour, tant il est vrai qu'un conflit "gelé" ne peut rester éternellement à l'état de latence. Par ailleurs, on pouvait imaginer après la reconnaissance de l'auto proclamation d'indépendance du Kosovo par les Occidentaux que la Russie ne resterait pas inerte. Et de ce point de vue, nous n'avons pas été déçus !

D'autres crises, comme celle née du non irlandais du 12 juin 2008 au référendum sur le traité de Lisbonne n'était pas certaine. Le pire ne l'est jamais. Mais il était raisonnable de l'envisager et la crise est bien là après le rejet du traité par près de 54% des électeurs irlandais.

Enfin, la crise des marchés financiers, déclenchée par le "credit crunch", n'avait peut-être pas été anticipée par la majorité des acteurs économiques. Toutefois, elle aurait du l'être si l'on veut bien considérer que la surchauffe des marchés n'avait plus rien à voir avec le rythme de croissance de l'économie réelle. Les services de la Commission européenne avaient clairement conscience du risque. Les responsables de la Commission invités à nos rencontres du Cercle, au siège de la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCIP) de Paris, nous avaient de longue date fait part en effet de leurs réflexions sur l'éventualité d'une crise systémique. Des études étaient menées sur les conséquences qu'aurait la faillite d'établissements financiers de poids dans les États membres. Ce risque systémique s'est révélé ne pas être une simple hypothèse d'école.


Editorial de Noëlle Lenoir paru le 5 janvier 2009 sur le site du Cercle des européens :

http://www.ceuropeens.org


Conscience du risque et encouragement à l'action, une dialectique subtile


Aucune de ces trois crises majeures n'a été le fruit du hasard. Chacune peut s'expliquer de manière rationnelle. Pour autant, en tirera-t-on un enseignement pour 2009 ? Rien n'est moins sûr. Il ne suffit pas en effet d'avoir conscience d'un risque pour le prendre réellement en compte.

Par exemple, on peut penser que la société civile chinoise s'éveillera un jour en force et qu'en tous cas, la population n'admettra plus d'être gouvernée comme elle l'est d'une main de fer par un parti unique et tout puissant. Mais quand le mouvement démarrera-t-il ? (Le 23 octobre 2008, le Parlement européen a décerné le Prix Sakharov, pour la liberté de l'esprit et la défense des droits de l'homme, au militant politique chinois Hu Jia)

Autre exemple : le conflit gazier entre l'Ukraine et la Russie prolonge, tout en l'aggravant, la crise déjà déclenchée en 2006 par les dissensions entre les deux pays concernant le prix du gaz russe importé par Kiev. Déjà alors, l'Europe savait qu'elle serait prise en otage. La crise se répète et peut se répéter à l'infini, tant que les Européens n'auront pas défini une politique énergétique commune, impliquant de leur part une attitude commune vis à vis de la Russie comme principal pourvoyeur de gaz et de pétrole. Or on est loin de la mise en place d'une telle politique, le chacun pour soi en matière de contrats d'approvisionnement énergétique continuant de primer. Il n'est pas peu paradoxal à cet égard de voir le gouvernement russe appeler l'Union européenne au secours pour qu'elle attaque en justice l'Ukraine qui bloque l'acheminement du gaz. L'Europe énergétique commencerait-elle à exister en tant que telle pour notre grand voisin ? Si oui, que l'Union européenne en prenne acte en renforçant son unité dans le domaine énergétique, comme elle a su réaffirmer son engagement dans la lutte contre le changement climatique.


Après la dynamisation de l'Europe sous présidence française en 2008, des espoirs pour l'Europe de 2009


L'extraordinaire dynamique qu'a su insuffler à l'Europe Nicolas Sarkozy, en tant que Président du Conseil européen pendant le temps de la présidence française, a marqué un tournant. Rarement avait-on constaté un tel volontarisme face aux crises qui ont ponctué les derniers mois de l'année 2008. L'Union européenne a répondu présente à chaque fois que nécessaire.

Les Européens ont ainsi pu faire preuve d'une réactivité porteuse d' espoir. Cet espoir, c'est que les États membres de l'Union prennent désormais l'habitude de concevoir systématiquement leur responsabilité ensemble et en conséquence d'agir unis !

L'année 2009 ne suffira pas certes pour surmonter les crises affectant directement l'Europe pas plus que celles qui éclatent ailleurs. La crise économique et sociale générée par la crise financière ne se résoudra pas d'un seul coup d'un seul, même si avec les plans de relance le retour du volontarisme politique en matière économique est de bonne augure.

La crise énergétique, accentuée par la querelle russo-ukrainienne, n'est pas conjoncturelle. Elle est profonde et appelle des réformes structurelles affectant les politiques nationales. L'adoption du Paquet Energie Climat, aux ambitions fatalement réduites dans le contexte de ralentissement économique actuel, ne va pas non plus résoudre comme par miracle, tous les problèmes de pollution et de dépendance énergétique.

Quant au processus de ratification du traité de Lisbonne, il est de nouveau en marche. Même si sa finalisation reste aléatoire, les Irlandais vont revoter, on en a la confirmation officielle.

Enfin, l'intervention israélienne contre le Hamas dans la bande de Gaza souligne, s'il en était besoin, la dangerosité du monde, et l'omniprésence du risque terroriste du Moyen-Orient au Pakistan en passant par l'Afghanistan des talibans.


L'Europe de 2009, acteur mondial, et donc rempart face aux crises ?


L'histoire n'est pas écrite d'avance. Mais les enjeux de survie sont tels aujourd'hui pour des démocraties comme les nôtres qu'il me semble que 2009 sera un grand cru pour la construction européenne : réforme du système financier mondial, montée de l'Europe sociale, politique énergétique et de lutte contre les changements climatiques, interventions militaires communes, défense des droits de l'homme, politique de voisinage avec la Russie et les pays du Caucase, relations transatlantiques rénovées…les défis ne manquent pas.

Sur tous ces sujets, comme en témoigne l'année 2008 les Européens ont de plus en plus le réflexe de réfléchir et si possible d'agir ensemble. L'Union fait la force. Gageons qu'elle permettra à l'Union européenne de saisir la formidable opportunité que constitue l'élection du nouveau Président américain, Barack Obama, pour retisser des liens plus normaux entre les deux grands pôles démocratiques de la planète.

Car c'est bien pour cela qu'a été créée l'Europe : pour préserver les droits de ses citoyens et faire rempart contre les agressions – internes et externes - mettant en danger la paix, la démocratie et le bien-être des populations du continent.

Ce message a été porté par bien des hommes et des femmes qui ont fait l'Europe. En cet instant, j'ai une pensée pour un de ces bâtisseurs infatigables et courageux, pour Bronislav Geremek, grand médiéviste, ancien ministre des Affaires Etrangères et député européen polonais. Il est disparu en 2008 et sa perte reste pour nous irremplaçable. C'est à lui que je dédie ce billet pour l'année nouvelle.



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Noëlle Lenoir, est ancienne ministre déléguées aux Affaires européennes. Elle est présidente de l'Institut d'Europe d'HEC et du Cercle des Européens 

http://www.hec.fr/institut-europe

http://www.ceuropeens.org

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