par Laurent Bonsang, le dimanche 11 janvier 2009

Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps, 3 jours en fait, pour avoir le premier faux pas de la présidence tchèque de l'Union Européenne. Alors que l'ensemble de la communauté internationale condamnait l'offensive terrestre d'Israël sur Gaza, la présidence tchèque de l'Union Européenne a engendré émotion et consternation après sa première déclaration venant du porte parole du gouvernement tchèque pour la présidence de l'Union Européenne qui déclarait qu'"Il s'agit du franchissement de la frontière de Gaza, il n'y a pas de violence, pas de victimes, nous attendons des informations supplémentaires et nous voudrions plus de détails".


Plus tard dans la journée du 3 janvier, Karel Schwarzenberg, Ministre tchèque des affaires étrangères qui préside le Conseil affaires générales et relations extérieures de l'Union Européenne, rectifiait le tir en déclarant que "L'entrée des forces terrestres israéliennes dans la Bande de Gaza n'est pas surprenante, nous avions depuis un certain temps des signes qu'Israël envisageait une telle action. Même le droit incontestable d'un État à se défendre ne légitime pas que soient entreprises des actions dont les principales victimes sont les populations. Nous appelons donc Israël à autoriser qu'une aide humanitaire soit apportée aux habitants de la Bande de Gaza et, conformément aux conclusions de la rencontre des ministres des Affaires étrangères de l'UE qui s'est déroulée à Paris le 30 décembre 2008, à la conclusion d'un cessez-le-feu."

La porte parole du Ministre tchèque des affaires étrangères justifiait ce changement de la position de la présidence tchèque au nom de l'Union Européenne "à cause des derniers développements."

Quelles ont donc été les motivations qui ont poussé la présidence tchèque à faire la première déclaration ? Est-ce la nostalgie du départ prochain de George Bush et d'une administration néo conservatrice aux Etats-Unis avant l'arrivée d'ici fin janvier de Barack Obama à la Présidence des Etats-Unis ? Est-ce la difficulté inhérente à une première présidence de l'Union Européenne exercée par l'un des Etats membres les plus proches de l'actuelle administration des Etats-Unis qui ne savait pas trop comment se situer par rapport aux Etats-Unis? Est-ce des tensions internes au Gouvernement tchèque et entre certains membres du Gouvernement et le Président tchèque, Vaclav Klaus, sur la question européenne? Car en ce qui concerne Vaclav Klaus, nous ne pouvons pas oublier ses déclarations régulières et répétées contre l'Union Européenne et notamment contre le Traité de Lisbonne et son soutien appuyé au leader du non irlandais, le milliardaire Declan Ganley proche des milieux néo conservateurs des Etats-Unis.

Même si ce premier faux pas a été corrigé, il n'en demeure pas moins que l'Union Européenne ne peut continuer d'être fondée que sur les traités en vigueur.

Faisons un constat entre la crise commencée en septembre dernier et le sujet actuel.

D'un côté, la crise qui a débuté en septembre 2008 a démontré la force de l'Euro, des structures mises en place (BCE, Eurogroupe…) et la faculté de l'Euro de mieux nous protéger ou au pire d'éviter justement le pire. De l'autre, ce premier faux pas de la présidence tchèque sur une question touchant à la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) qui ne repose pas encore sur une assise bien clairement définie et identifiable, sans oublier la Politique de voisinage de l'Union Européenne (rappelons que le conflit se situe à un peu plus de 300 kilomètres de l'Union Européenne et de la côté Sud de Chypre) et le Processus de Barcelone poursuivi par le projet d'Union pour la Méditerranée lancé en juillet dernier.

Il est donc urgent que le Traité de Lisbonne puisse entrer en vigueur. Plus précisément déjà que la République tchèque le ratifie enfin et que l'Irlande organise de nouveau un référendum.

En effet, les dispositions du Traité de Lisbonne sur la PESC notamment sur le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (article 9 E du Traité sur l'Union Européenne) auraient sûrement permis à l'Union Européenne d'éviter ce faux pas fâcheux ; elles auraient permis à la présidence de l'Union Européenne d'avoir une cohérence et une continuité dans sa politique extérieure.

Soulignons avec force que ces nouvelles dispositions du Traité de Lisbonne ne font que reprendre celles du Traité Constitutionnel.

Si nous déplorons le retard pris sur l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne et dans le cas présent des dispositions sur la PESC (qui aurait dû entrer en vigueur le … 1er janvier 2009 !!!) à cause du non irlandais et à cause de l'opposition de Monsieur Klaus, nous ne pouvons passer sous silence la responsabilité prise tant par les Pays-Bas que par la France qui ont rejeté le Traité constitutionnel en 2005. Nous ne pouvons passer sous silence que ce premier faux pas de la Présidence tchèque et l'absence d'une PESC plus cohérente et plus efficace est la conséquence de la campagne contre le Traité constitutionnel en France de ceux qui en France avaient accusé le Traité constitutionnel de tous les maux. Que ces politiques assument leur choix dans la situation présente ! Mais qu'ils se gardent de critiquer l'Union Européenne quand justement ils sont responsables de l'absence d'une PESC mieux définie et plus efficace.

Pour en revenir au sujet de l'offensive terrestre d'Israël sur Gaza, je ne peux oublier les propos tenus par le chef d'orchestre Daniel Barenboïm qui dirigeait le concert du nouvel an à Vienne ce premier janvier et qui appelait à la paix notamment dans cette région. Par son courage, par ses actes (notamment la création du West-Eastern Divan Orchestra), Daniel Barenboïm est un homme de paix qui pourrait mériter cette année de recevoir tant le Prix Sakharov que le Prix Nobel de la Paix…

Président du Mouvement Européen 77
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Laurent Bonsange est Président du Mouvement Européen 77

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