par Michel Clamen, le samedi 13 juin 2009

Une fois le Parlement élu, le renouvellement politique va se poursuivre et comportera d'autres péripéties d'ici fin 2009. Le bon vouloir de l'Irlande est nécessaire à la ratification du traité de Lisbonne, donc à son entrée en vigueur. Plusieurs scénarios se dégagent : la Commission actuelle va-t-elle se voir prolongée de quelques mois ? ou renouvelée dans sa géométrie à 27 commissaires ? ou prendre la forme prévue par le nouveau Traité ?
Le renouvellement politique que nous vivons n'est pas un long fleuve tranquille, alors que le monde va vite.


Notre Parlement est en place. Malgré une participation décevante, l'énorme opération s'est déroulée démocratiquement et la légitimité de nos élus est entière. La nouvelle assemblée, dont les équilibres restent encore à étudier, bénéficie, comme lors des législatures précédentes, d'une qualité précieuse : aucun des groupes politiques ne détient à lui seul la majorité absolue. C'est la garantie de vrais débats et on est sûr que le cheminement des textes, parfois lent mais toujours productif, aboutira à des compromis acceptables par tous.

Une fois ce point acquis, l'attention se porte sur les prochaines étapes ; car le vote du 7 juin n'était qu'une partie du renouvellement politique de 2009, qui laisse prévoir bien d'autres péripéties. La Commission, dans sa forme actuelle, demeurera en fonctions jusqu'en novembre. Ensuite c'est l'inconnu.
Le point essentiel reste, bien entendu, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Mais sa ratification dépend du bon vouloir de l'Irlande, encore problématique : le gouvernement procédera-t-il à un referendum « de rattrapage » ? et, si oui, le peuple se laissera-t-il persuader ? Du coup, plusieurs scénarios se dégagent d'ici la fin de l'année :

- l'Irlande organise un second referendum; il est positif ; les pays achèvent le processus de ratification – c'est l'hypothèse la plus favorable, qui permet d'appliquer les engagements de Lisbonne ; elle conserve à la Commission sa géométrie à 27 commissaires jusqu'en 2014 (au delà, leur nombre sera réduit d'un tiers) ;

- en l'absence de « oui » irlandais, l'édifice institutionnel européen reste provisoirement ce qu'il est ; on peut envisager que la Commission actuelle voie son mandat prolongé de quelques mois – ce serait une « première », car le seul précédent, à notre connaissance, remonte à la Commission Prodi qui, fin 2004, avait été maintenue pour ajuster l'équipe Barroso aux desiderata du Parlement, mais seulement quelques semaines de plus;

- le plus probable est que la nouvelle Commission, quelle que soit sa géométrie, entrera en fonctions avant la ratification, ce qui devrait conduire, dès cette dernière acquise, à tirer les conclusions des accords de Lisbonne ; on sera ainsi amené à envisager une démission collective de l'équipe en place pour permettre l'investiture d'une Commission revue en fonction du traité. Cette opération délicate ne risque-t-elle pas de donner lieu à une crise ? Rien n'est sûr.

Autre pomme de discorde possible : la désignation du Président de la Commission. Suivant le cadre institutionnel dans lequel elle interviendra, le Conseil ou le Parlement n'auront pas le même poids. Rappelons le processus actuel : le Conseil européen désigne le Président, et ce choix est soumis au PE pour accord.

En revanche, quand le traité de Lisbonne sera entré en vigueur, le Président sera élu par les députés. D'où une course de vitesse entre les deux institutions, rivalité qui explique la résolution prise par le Conseil européen en décembre dernier : « le processus de désignation sera entamé sans délai après l'élection du PE. » Et les Tchèques de pousser à la roue pour que tout se déroule avant la fin de leur présidence.

Quoi qu'il en soit, il est clair que ce renouvellement politique que nous vivons n'est pas un long fleuve tranquille. Or, divers rendez-vous mondiaux de première importance se profilent au même moment : le prochain G 20 (à New-York, en septembre), la rencontre sur le climat (à Copenhague, en décembre)… Le monde va vite et ne laisse guère aux institutions le temps de souffler.






Michel CLAMEN est Directeur du Master de Relations européennes à l'Institut catholique de Paris.




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