José Manuel Barroso vient d'être réélu à la majorité absolue comme président de la commission européenne. L'ancien premier ministre portugais peut donc savourer une victoire qu'il attendait avec impatience depuis l'été.
Une réélection ambiguë
Mais attention, cette réélection masque des incertitudes. Il ne faudrait pas que celle-ci repose sur des malentendus qui pourraient être de nature à affaiblir l'institution. Les chefs d'Etat et gouvernement, après avoir été pour certains très critiques à son endroit, s'étaient empressés de lui apporter leur soutien.
M. Barroso apparaissait en effet probablement comme le moins dangereux et le plus petit dénominateur commun entre tous. Il faut dire que, sans sous-estimer la tâche, il n'avait pas faire preuve d'une capacité d'initiative hors norme, c'est le moins que l'on puisse dire, au plus fort de la crie économique et financière, laissant les chefs d'Eta et de gouvernement décider des mesures nécessaires.
Sur d'autres sujets, comme la protection de l'environnement et la réduction des gaz à effet de serre, il avait laissé l'impression d'une sorte de suivisme ou d'opportunisme en fonction des débats politiques. C'est probablement ce qui a convaincu les Etats membres de lui apporter leur soutien, bien que Nicolas Sarkozy ait été parfois très critique à son égard. Mais voilà, entre deux inconvénients, il a fallu choisir
Un affaiblissement de la Commission ?
Mais attention, le danger qui guette clairement la Commission européenne aujourd'hui est celui de l'affaiblissement de l'institution. Pour être respectée, la Commission, doit être forte et cohérente. Elle doit absolument garder et utiliser son droit d'initiative des propositions de directives et de règlements, sans qu'on vienne la solliciter pour qu'elle l'exerce.
Le président de la Commission a rang de chef d'Etat sur le plan international. Or, si le traité de Lisbonne est enfin ratifié par les Irlandais, deux autres personnages essentiels vont faire leur apparition : le président permanent du conseil européen (disons pour deux ans et demi), et le « ministres des affaires étrangères » de l'Union européenne, qui sera également vice-président de la Commission européenne.
Or pas besoin d'être fin psychologue pour savoir que ces trois pôles vont le concurrencer dans l'exercice du pouvoir et de la représentation de l'Union européenne sur la scène internationale, ce qui va créer certainement des tensions lorsque l'on sait que le président du conseil rendra compte
aux chefs d'Etat et de gouvernement et que le ministre des affaires étrangères sera assis entre deux chaises, surtout si le titulaire du poste est un britannique, qui ne sera pas, on s'en doute, un fédéraliste acharné
Le premier test
Le premier test de M. Barroso sera la nomination des commissaires. Il va être intéressant d'analyser s'il cède entièrement aux Etats et gouvernements dans la répartition des portefeuilles de la commission européenne. Ou si, au contraire, il est capable d'exercer pleinement son rôle de chef de l'exécutif communautaire.
Il sera aussi pertinent d'analyser la qualité des personnes nommées. Il est important éviter des gaffes du type celles qui avait été commises lors de la nomination de l'ancienne commission ( personnages politiques ayant tenu des propos douteux, des anti-européens notoires, enfin la question délicate des incompatibilités entre les affaires privées et la fonction de commissaire.).
Et c'est là que le parlement européen doit jouer un rôle fondamental. Il lui appartient d'auditionner les différentes personnalités pressenties pour voir si elles feront de bons commissaires
Lui appartient également le vote final pour l'investiture de la commission.
Il est très clair que si la Commission devait désormais travailler sous perfusion ou sous influence dominante, ce nouveau mandat serait gâché. Il appartiendra au parlement européen d'être très prudent sur ce point.
Patrick Martin-Genier
Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris.