par Partick Martin-Genier, le lundi 05 octobre 2009

La victoire du "oui" au référendum irlandais sur le traité de Lisbonne constitue une belle éclaircie dans un ciel européen décidément bien sombre. L'hypothèque irlandaise est donc levée et c'est une bonne chose.


Dans l'attente des réponses tchèque et polonaise


Sera-t-elle pour autant suffisante ? Dans un premier temps, le traité de Lisbonne ne rentrera pas en application tant que les présidents polonais et tchèque ne l'auront pas eux même ratifiés. Cela pourrait prendre encore quelques mois, Vaclav Klaus, le président tchèque pouvant jouer la montre jusqu'aux prochaines élections législatives en Grande-bretagne où les conservateurs, plutôt favoris dans les sondages, sont eux-mêmes opposés à ce traité. Mais tant la France que la Grande-Bretagne ont d'ores et déjà annoncé qu'elles disposaient d'arguments convaincants pour empêcher ces deux pays de faire de l'obstruction…

Car en effet, ce coup de pouce irlandais pourrait bien rendre la situation des deux derniers pays n'ayant pas ratifié le traité très inconfortable et il est donc urgent de solder l'épisode douloureux de l'ère post-Constitution européenne ayant abouti au minimum indispensable : le traité de Lisbonne.


Faut-il consulter les peuples ?


La deuxième consultation populaire en Irlande en peu de temps mérite aussi que l'on s'interroge sur les modalités d'adoption des traités européens. La plupart des pays ont choisi la voie de la ratification parlementaire. Il s'agit là probablement de la manière la moins risquée de faire avancer l'intégration européenne. Cependant et en même temps, les peuples passent largement à côté du débat et ils ne sont en fin de compte pas consultés ni même associés sur la nature des dispositions ainsi adoptées.

Le débat en Irlande a-t-il permis de poser la question de la finalité de la construction européenne ? Pas si sûr. En effet, le gouvernement a été obligé de faire campagne sur le fait qu'il avait obtenu des concessions portant sur la neutralité du pays, la question de l'avortement et la perspective de garder un poste de commissaire au sein de la future commission qui doit se mettre en place en 2014. La neutralité sur la scène internationale est aujourd'hui un leurre. La question de l'avortement est une question éthique plus que politique et la Cour européenne des droits de l'homme saurait censurer une attitude contraire aux droits de chaque femme de décider en la matière. Quant au poste de commissaire, que restera-t-il de cette promesse en 2014 et après ?...


Continuer l'Europe pour gagner en influence


Tout cela laisse un arrière goût amer de petit marchandage qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Car la vraie question est celle-ci : malgré les difficultés, ne vaut-il pas mieux avancer ensemble plutôt que chacun séparément ? Que compte l'Irlande seule sur la scène internationale ? Quasiment rien, comme la plupart des petits pays européens, les autres, même les grands, n'étant enfin de compte que des puissances moyennes lorsqu'on les compare aux mastodontes et autres sous-continents, qu'il s'agisse en premier lieu des Etats-Unis, mais aussi et surtout de la Chine, l'Inde ou la Russie.

Il ne s'agit donc pas, en matière de construction européenne, de défendre ses seuls intérêts nationaux, mais d'examiner en quoi l'Europe peut aider les peuples européens à mieux faire face aux défis de la mondialisation, peser d'un poids plus important dans les négociations internationales, telles que les négociations commerciales.


Défendre des valeurs communes


L'Europe a aussi des valeurs à défendre. Si elle épouse naturellement les valeurs qui sont celles de nos amis américains, on s'aperçoit assez aisément, plusieurs mois après l'élection de Barack Obama comme président des Etats-Unis, que les relations transatlantiques n'ont pas fondamentalement changé.

Depuis le début du mandat de M. Obama, l'Europe n'a pas été la priorité de l'administration américaine. La première tournée mondiale de la nouvelle secrétaire d'Etat Hillary Clinton, dès qu'elle a été nommée, l'a amenée en Asie, sans même faire escale dans l'un des pays du vieux continent.

Ainsi, la capacité de persuasion de l'Europe n'a pas encore eu l'occasion de s'exercer. Une "Europe puissance" permettrait de mieux faire valoir le point de vue européen sur la scène internationale. A cet égard, la création du poste de ministre des affaires étrangères de l'Union européenne permettra, il faut l'espérer, de donner à l'Europe une meilleure lisibilité, à condition qu'elle puisse défendre des positions communes sur lesquelles les Etats membres seront censées se mettre d'accord, à l'unanimité…

Mais attendons d'abord les ratifications tchèque et polonaise du traité de Lisbonne sans lesquelles tout serait à recommencer à zéro…



Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris

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