par Alain Lamassoure, le vendredi 06 novembre 2009

L'introduction formelle des Parlements nationaux dans les choix politiques de l'Union européenne est une des clés principales de la réussite du traité de Lisbonne.





En effet, celui-ci accroît les compétences que l'Union partage avec les Etats membres, tout en généralisant le pouvoir législateur du Parlement européen à l'ensemble des actes juridiques et des dépenses budgétaires communautaires. Cela signifie que de plus en plus de décisions politiques se prendront à Bruxelles, et que le Parlement européen y prendra une part plus grande, alors même que les Parlements nationaux conserveront un rôle irremplaçable pour mobiliser les moyens budgétaires et les moyens juridiques complémentaires – et parfois prépondérants – qui sont nécessaires à la réussite d'une action commune européenne. Prenons l'exemple de la « stratégie de Lisbonne », qui visait à rendre l'économie européenne la plus compétitive du monde en dix ans à peine : son échec est largement dû à la déconnexion persistante entre le débat politique européen, qui définissait l'objectif, et les débats nationaux, dont dépendaient 80% des moyens.

D'où l'intérêt majeur d'un travail systématiquement concerté entre le Parlement européen, qui a une vision d'ensemble à l'échelle du continent, et les Parlements nationaux, qui sont perçus par l'opinion (et certaines hautes juridictions comme le Tribunal constitutionnel allemand) comme plus légitimes.

Certes, le nouveau traité confère aux Parlements nationaux un pouvoir de censure a priori des projets communautaires qui méconnaîtraient le principe de subsidiarité (système dit « d'alerte précoce »). Mais cette avancée les laisse confinés dans un rôle purement négatif. Il faut aller beaucoup plus loin, et il est parfaitement possible de le faire dans le cadre des traités actuels.

Le cadre de cette coopération entre tous les Parlements d'Europe pourrait revêtir la forme d'un accord interparlementaire, comparable, mutatis mutandis, aux accords interinstitutionnels passés entre les organes de Bruxelles : il constituerait un « contrat », sans effet juridique proprement dit mais impliquant une forte contrainte politique. Un tel accord pourrait comporter les engagements suivants :

1 – Organisation d'un système d'information réciproque et d'échanges de vues pour mettre en œuvre le mécanisme d' « alerte précoce ».

2 - Engagements réciproques sur la législation européenne : avant d'adopter une directive, le Parlement européen informera ses homologues nationaux, qui pourront donner un avis s'ils le souhaitent et comme ils le souhaitent ; en sens inverse, la transposition de directives en droit interne donnera lieu, par exemple, à l'audition du rapporteur du Parlement européen pour connaître l'intention du législateur européen.

3 – Engagement pris par le Parlement européen d'étudier toute proposition commune présentée par les Parlements d'un nombre significatif d'Etats membres – ceux-ci devant avoir le même pouvoir d'initiative politique que celui qui est donné aux citoyens par le droit d'initiative collective. Un tel engagement aurait d'autant plus de prix si la Commission pouvait le reprendre à son compte, ce qui accélèrerait les délais d'examen.

4 – Organisation, à chaque printemps, d'un débat commun sur les orientations budgétaires de l'année suivante. Pour intéresser les médias nationaux et, derrière eux, les opinions publiques, il vaudrait mieux que chacun reste chez soi en recourant à la visioconférence. Cela obligerait tous les Etats membres à partir des mêmes hypothèses économiques de base sur les années n et n+1, et conduirait tout naturellement chacun des Parlements à établir et à publier la liste de tous les chapitres du budget national qui concourent à financer des objectifs communs européens, voire des politiques communes. Une telle manifestation aurait une forte valeur pédagogique avant que les intéressés ne soient saisis officiellement des futures perspectives financières et de la réforme des ressources propres de l'Union.

5 – Organisation, chaque année, d'un débat commun sur l'état de l'Union, à partir d'une déclaration du Président du Conseil européen, du Président de la Commission et du Haut-Représentant pour la politique étrangère de l'UE. Au contraire de la proposition précédente, cette initiative gagnerait en solennité et en intérêt si elle réunissait en un seul lieu tous les « poids lourds » politiques des Parlements.

6 – Lancement d'enquêtes communes sur l'application effective du droit communautairedans toute l'Union.

7 – Coordination de l'envoi d'observateurs pour la tenue d'élections dans des pays tiers sensibles.

Quant au calendrier, une telle initiative gagnerait à être lancée dès le 1er semestre 2010, en liaison étroite avec la présidence espagnole, pour de premiers tests de faisabilité avant un accord formel sous la présidence belge du second semestre et une application en année pleine en 2011.


Paru le 30 octobre 2009 sur le site d'Alain lamassoure

http://www.alainlamassoure.eu


Alain Lamassoure est député européen

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