Mercredi 21 mai 2008, le Mouvement Européen France (ME-F) organisait au Sénat un petit-déjeuner conférence sur le thème "Démocratie ? Transparence ? Quelle procédure pour choisir les futurs responsables européens ?" A cette occasion et pour répondre aux interrogations des journalistes, diplomates et sympathisants du Mouvement Européen France conviés à cet évènement, Sylvie Goulard, présidente du ME-F, a souhaité donner la parole à un européen convaincu en la personne de Valéry Giscard d'Estaing.
Pour introduire le sujet, Sylvie Goulard a ouvert le bal sur une note assez négative en affirmant qu' "on avance dans la construction européenne sans perception historique", elle a justifié le manque de participation aux élections européennes de 2004 et le taux d'abstention record de 45,5% par trop d'opacité dans le système institutionnel européen. En effet, au sein des Etats membres, il existe aujourd'hui un désintérêt plus ou moins marqué pour l'Union européenne (UE). A ce constat, plusieurs raisons : on juge les élus européens sur titre plutôt que sur leur bilan et leur action, de plus il faut faire état d'un certain conservatisme au sein de l'Union européenne, dont le light motif consiste à fermer les portes des postes à responsabilité aux personnes issues de l'immigration, aux femmes ou encore aux personnes qui n'entrent pas dans le cadre défini des élites (être titulaire de diplômes précis, avoir occupé des fonctions précises auparavant).
Pour sa part, Valéry Giscard d'Estaing a fait remarquer à l'auditoire que l'Union européenne a connu un essoufflement majeur après le Traité de Maastricht. Selon l'ancien président de la Convention européenne, l'Union souffre actuellement d'un manque de débat public mais également d'un déficit de transparence dans le système de décisions, trop souvent prises en petites communautés. L'élargissement progressif de l'UE de 6 à 27 membres a fait que les Etats membres se connaissent moins bien entre eux, car chacun d'entre eux exerce de ce fait la présidence tournante de l'UE moins fréquemment, ce qui contribue à créer des intérêts personnels parfois divergents.
Sylvie Goulard a, pour sa part, ajouté que l'on ne voit plus les exigences les plus évidentes au sein de l'Union, dans la mesure où il existe un décalage significatif entre les discours et la réalité.
Afin de pallier cette lacune, le Traité de Lisbonne prévoit la désignation d'un Président du Conseil européen, qui mettrait un terme à la présidence tournante et offrirait de facto une plus grande cohésion au sein de l'Union européenne mais également en dehors de ses frontières.
Car, comme le disait encore récemment le Président américain George W.Bush, il n'a aucun avantage à recevoir le dirigeant qui exerce la présidence de l'UE, dans la mesure où il ne le reverra jamais car il change tous les 6 mois.
Selon Valéry Giscard d'Estaing, ce Président du Conseil européen doit être désigné par le Conseil européen lui-même, et non pas par un collège électoral car cela contribuerait à créer trop d'inégalités du fait que les pays les plus peuplés auraient davantage de voix. L'ancien Président de la République Française a suggéré qu'il serait préférable d'attendre les élections européennes de 2009 avant de désigner cette personnalité ou ce chairman, si on veut être réellement proche des citoyens européens, ce qui contribuerait à marquer une "séquence démocratique" dans la construction européenne. Il a toutefois averti : "Si les gouvernements sont maladroits dans cette procédure, le taux d'abstention sera massif !"
Sur le plan technique, le Président du Conseil européen devrait être assisté par des hommes de relais, auxquels on délèguera individuellement un champ de compétence qu'ils devront exercer sur des pays plus ou moins peuplés.
Concernant l'identité du futur Président du Conseil européen, on compte actuellement un réservoir d'environ 150 noms, parmi lesquels on peut citer l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, l'actuel chef du gouvernement danois Anders Fogh Rasmussen ou encore Jean-Claude Juncker, actuel Premier ministre du Luxembourg et Président en exercice de l'Eurogroup. En tout état de cause, il faudra que ce Président soit originaire d'un Etat membre qui adhère à un maximum d'objectifs fixés par l'Union européenne, car comment peut-on prêcher le bon exemple aux autres, si son propre pays n'est pas en mesure de s'y conformer ?
Philippe Gortych est Etudiant en relations internationales