Le non référendaire irlandais au Traité de Lisbonne rend plus difficile la prochaine présidence française de l'Union européenne, plus importante aussi. Nicolas Sarkozy se trouve propulsé aux avant-postes, avec le soutien d'Angela Merkel Sa tâche est encore plus essentielle à l'avenir des réformes institutionnelles.
Tous les Etats membres de l'Union ont le droit de se prononcer sur la réforme des institutions et le vote irlandais ne saurait interrompre le processus en cours. Ce n'est que lorsque chacun des pays se sera prononcé qu'il faudra constater la réalité de la situation et trouver les moyens juridiques et politiques d'y faire face. L'Irlande devra dire, de toutes façons, ce qu'elle ne veut pas dans ce Traité et ce qu'elle veut pour l'Europe.
Pour autant, on aurait tort de ne pas tirer les leçons de ce nouvel incident référendaire, sauf à accepter que l'Europe a un problème avec les peuples.
Manifestement les peuples d'Europe ne sont pas hostiles à l'unification du continent. Mais ils saisissent toutes les occasions que leur donnent des procédures nationales d'approbation de décisions européennes pour exprimer leur mécontentement. Celui-ci peut concerner leurs gouvernements, leurs angoisses envers des mutations rapides, leur incompréhension des méthodes de décisions et de fonctionnement de l'Union, ou plus simplement leurs critiques à l'égard de politiques européennes. En d'autres termes, c'est moins la finalité de l'Union européenne que ses mécaniques et ses politiques qu'ils condamnent.
On dira qu'il s'agit d'une méconnaissance et d'un manque d'explication. C'est vrai, mais cela ne suffit pas. En fait, l'Union a atteint plus vite que prévu le stade politique que lui fixaient ses fondateurs. Elle doit maintenant se politiser, c'est-à-dire faire de la politique, débattre, affronter l'opinion, être à l'écoute des demandes et des attentes, savoir y répondre concrètement.
Ce n'est pas facile compte tenu de sa nature. L'Union européenne reste à la fois une union volontaire d'Etats indépendants et une union de peuples élisant déjà en commun un Parlement européen aux pouvoirs quasi-fédéraux. Elle doit désormais démontrer qu'il est possible de respecter les identités nationales tout en construisant une démocratie supranationale.
Un bon moyen d'y parvenir serait de donner aux Européens l'occasion de s'exprimer tous ensemble sur une même question politique. Pourquoi ne pas saisir l'occasion des prochaines élections au Parlement européen, en juin 2009, pour leur offrir cette possibilité ? Il suffirait soit de personnaliser et d'européaniser l'élection en annonçant le choix d'un leader qui conduirait des listes nationales alliées et qui serait voué à présider la Commission en cas de victoire de ses listes, soit de profiter de ce scrutin, forcément organisé dans tous les Etats membres, pour demander à chaque Européen de faire connaître sa préférence pour un président du Conseil européen.
Dans le premier cas, la campagne européenne se ferait, enfin, sur de vrais programmes politiques européens.
Dans le second cas, un référendum européen, même consultatif puisque la décision de nommer un président appartient aux Chefs d'Etat et de gouvernement, contribuerait grandement à politiser le scrutin et à obliger les candidats à se définir par des choix politiques d'intérêt européen.
Ces campagnes à l'échelon européen feraient l'objet de débats certainement animés. Ces votes organiseraient une démocratie européenne plus directe. Ils créeraient un sentiment d'appartenance à un ensemble politique démocratique à l'échelle du monde d'aujourd'hui.
Editorial paru sur le site: http://www.jd-giuliani.eu
Jean-Dominique Giuliani est président de la Fondation Schuman
http://www.robert-schuman.eu