par Emmanuel Dupuy, le samedi 05 juillet 2008

De manière assez indécence, les urnes n'ont parlé qu'à la première personne, le 27 juin dernier au Zimbabwe. La non participation du leader de l'opposition Morgan Tsvangirai, arrivé largement en tête du premier tour des élections présidentielles, le 29 mars dernier, mais qui a décidé de ne pas participer à ce qui s'apparente à une gigantesque farce, ouvre la voie à une réélection de facto de Robert Mugabe et sa reconnaissance par ses pairs, réunis au Caire, à l'occasion du Sommet de l'UA.


Face aux multiples exactions constatées à l'encontre des partisans du MDC perpétrées par les membres du parti au pouvoir, le Zanu-PF, la décision semble être la plus raisonnable et sans doute, paradoxalement la plus porteuse d'avenir. Le boycott semble ainsi donner un nouveau signal pour enfin agir pour éviter que ces impasses démocratiques ne débouchent sur des mascarades de scrutins…

La France a décidé de ne pas reconnaître la victoire sans suspens du vieux satrape africain. C'est bien la moindre des choses, mais après ? Ce quiproquo électoral doit nous permettre de réfléchir à l'efficacité réelle du système de gouvernance internationale et du système de sanctions prévues par celui-ci.

Ni la Communauté économique de l'Afrique australe (SADC), ni l'Union africaine, encore moins le Conseil de sécurité des Nations Unies ou l'Union européenne, n'ont pu agir pour le respect des règles les plus élémentaires de l'Etat de droit. Pas même, le puissant voisin sud-africain, qui devrait se mordre les doigts d'avoir longtemps « parrainé » son turbulent voisin, encore moins les Etats-Unis ou la Chine, nouvel ami de celui qui s'accroche au pouvoir sur fond de panafricanisme dévoyé et racisme anti-blanc, n'ont pu faire évoluer positivement la situation.

Il y aurait donc deux catégories de responsables politiques en Afrique, ceux qui restent au pouvoir en dépit des urnes et leurs adversaires qui ayant gagné les élections légitimement et légalement se retrouvent désormais « personae non grata ». Il faut en tenir compte et sans doute prévoir que dans le cas où un pays contredirait si ouvertement à toutes les règles du système international, ne conviendrait-il pas de reconnaître à l'adversaire lésé un statut « officiel », nettement plus prégnant qu'un improbable gouvernement d'union nationale, lui permettant concrètement de faire entendre sa voix sur la scène africaine et internationale, au nom de son pays et de ces citoyens privées de leures voix ?

L'on pourra toujours évoquer le principe sacré de souveraineté nationale, certes ! Il est néanmoins des cas extrêmes, où, ayant épuisé toues les cordes de la négociation, il en va de la crédibilité du multilatéralisme, c'est le cas du Zimbabwe du régime autiste de Mugabe, qui a réussi une fois de plus à le décrédibiliser, alors que d'autres scrutins à haut risques se profilent, en premier lieu desquels en Côte d'Ivoire.

L'UE y joue aussi gros, au moment où elle pourrait contribuer à une solution négociée. Au cas, où elle ne s'en saisisse pas, le divorce sera encore plus grand vis-à-vis de citoyens européens, de plus en plus enclins à constater ses échecs répétés.





Emmanuel Dupuy est Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)

http://www.ipse-eu.org

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