par Bernard Barthalay, le mardi 26 août 2008

La situation créée par la guerre au Caucase met non seulement en péril l'avenir des relations avec Moscou, mais aussi la crédibilité de l'Union européenne et la confiance entre Etats membres. A terme rapproché, ceux de nos voisins qui sont aussi ceux de la Russie, en sortiront affaiblis face à Moscou.


Les Européens ne peuvent pas tolérer la tentative de quelque Etat que ce soit sur ce continent de régler par la force un différend à propos de minorités, où qu'elles soient. Les Géorgiens, qui aspirent à bénéficier de garanties européennes pour leur sécurité et leur indépendance, et les Russes, qui disent vouloir être reconnus comme des partenaires fiables devraient s'abstenir, les uns et les autres, de toute provocation et de toute intimidation.

Leur problème est de même nature que ceux qui ont opposé les Européens dans le passé, conduisant à des guerres nationales et mondiales: des nationaux d'un pays résidant sur le territoire d'un autre, l'un voulant défendre à n'importe quel prix les droits de ses nationaux, l'autre voulant maintenir aussi aveuglément son autorité sur le territoire où ils résident. Le prix que nous avons payé en Europe à vouloir régler ces problèmes par la force ou à capituler devant la menace de son usage est trop lourd pour que nous assistions indifférents à la reproduction des mêmes erreurs de la part des Géorgiens ou des Russes.

L'expérience nous a appris qu'en cas semblable la diplomatie épuise très vite ses ressources et que l'escalade, de mises en garde en menaces, puis en ultimatums, trouve vite sa limite, quand le feu ne veut pas cesser parce que l'esprit de domination ou de vengeance a pris le pas sur la raison.

Des voix s'élèvent dans les nouveaux Etats membres de l'Union qui ont été victimes de l'oppression russe pour dire plus fort que les autres leur condamnation des opérations militaires engagées par la Russie, tout en passant sous silence l'inconscience de Saakashvili ou la justifiant purement et simplement. Des doutes s'y expriment sur la volonté des Etats fondateurs de venir au secours des Géorgiens, voire le cas échéant d'assurer la sécurité et l'intégrité des nouveaux Etats membres. D'autres Etats membres, plus au Nord de l'Union, ne dissimulent plus depuis déjà des années, qu'ils voient dans la Russie la principale menace pesant sur leur sécurité.

L'impuissance de l'Union européenne n'a pas échappé à Moscou, quel que soit le succès, éphémère ou durable, de l'action de la Présidence du Conseil, et que l'allié américain, qui pourrait bien en la circonstance avoir des intérêts distincts des nôtres, soit ou non d'un quelconque secours. Tout cela peut mal finir, à moins d'un acte audacieux et irréversible de nature à faire comprendre aux Russes que les Européens parlent sérieusement et que quelque chose est décidément sur le point de changer dans l'Union européenne, limitant la liberté de manoeuvre de la Russie.

Cet acte doit pouvoir restaurer la confiance entre Européens et fonder leur unité sur une base solide, avec ou sans le Traité de Lisbonne et même au delà de sa ratification. Cet acte du gouvernement de la République française et de ceux de ses partenaires qu'il croira souhaitable ou nécessaire d'associer à son initiative s'adresse à tous les autres Etats membres de l'Union: il consiste à sceller un pacte liant indissolublement les peuples de l'Union, fondant entre ceux des Etats membres qui auront pris l'initiative et ceux qui y auront répondu positivement une communauté politique souveraine, dont la politique étrangère, la politique de défense et la politique de l'énergie seront conduites par un gouvernement provisoire composée de trois personnalités indépendantes de haut rang. Toutes les capacités militaires conventionnelles des Etats membres de cette nouvelle communauté souveraine seront placées sous l'autorité d'un état-major unique, lui-même sous la responsabilité du gouvernement provisoire.

Ce pacte devra par ailleurs décider de convoquer l'assemblée constituante d'une république de ces Etats maintenant unis pour de bon, qui resteront membres de l'Union européenne, dont les institutions et les politiques seront, si nécessaire, aménagées en conséquence.

Il appartiendra à la France d'annoncer solennellement qu'elle remettra aux autorités légitimes de cette nouvelle république européenne, telles que définies par sa Constitution, tous les élements de sa force de dissuasion et d'inviter le Royaume-Uni à s'engager à en faire autant, s'il est disposé à signer le pacte.


Bernard Barthalay est titualire de la Chaire Jean Monnet d'Economie de l'intégration européenne à l'université Lumière (Lyon 2). Il est aussi membre du Comité d'Orientation de l'Association Jean Monnet et animateur du Réseau d'initatives Puissance Europe.

http://www.peupleeuropeen.eu

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