par Marianne Ranke-Cormier, le jeudi 28 août 2008

C'est une nouvelle forme de conquête, avec le déploiement de leurs batteries de radars et de missiles intercepteurs les États-Unis viennent conquérir (violer?) un peu d'espace au sol et beaucoup d'espace aérien au dessus de l'Europe et cela sans que nos responsables politiques n'élèvent la moindre contestation.


Moi j'appelle cela une violation de territoire, même s'il est spatial et une trahison, car après tout ni l'UE ni aucun des autres États-membres européens n'a donné son aval pour que des missiles, aussi intercepteurs soient-ils, se promènent au-dessus de nos têtes européennes.

D'ailleurs après avoir vu à la télévision autrichienne une démonstration de ce que pourrait être une interception d'un missile iranien, ou nord-coréen ou autre - il n'y avait même plus de supposition, car bien évidemment comme on le sait ce sont les autres qui attaqueront les États-Unis en envoyant leurs missiles au dessus de nos têtes - je peux vous garantir qu'il y a de quoi fortement s'inquiéter.

D'une part, les retombées radioactives dont personne ne parle. Qui peut croire que des missiles qui seraient ainsi interceptés ne retombent pas sur terre ferme ou iraient s'abîmer quelque part dans l'espace ou dans la mer, sans aucune retombée radioactive? Car il s'agit bien d'intercepter des missiles nucléaires...

Sans doute faudrait-il rappeler à nos leaders politiques les retombées de Tchernobyl qui ont irradié toute l'Europe d'est en ouest et du nord au sud - aussi faiblement soit-il, mais suffisamment pour que dans certaines régions on s'inquiète quelques années plus tard d'une augmentation importante du nombre de tumeurs au cerveau. Peut-on réellement croire que nous nous en sortirons indemnes quand les Américains auront "dégommé" un missile nucléaire dans notre espace? Mais sans doute cela appartient-il aux dégâts collatéraux que nous Européens sommes censés subir pour la défense de la gloire et de la puissance des États-Unis?

D'autre part, les attaques dont ces bases-mêmes seront les cibles, une belle ouverture sur le territoire européen...

Sans doute faudrait-il expliquer aux 50% (notez qu'ils ne sont toujours que 50%) de Polonais satisfaits de l'accord américano-polonais qu'il ne s'agit pas du tout de protéger leur espace aérien, encore moins la Pologne ou l'Europe (puisque c'est ainsi qu'ils conçoivent la chose) d'une éventuelle attaque nucléaire russe, confusion brillamment entretenue grâce aux évènements de la crise géorgienne développant un contexte paranoïaque dans lequel la propagande américaine a plongé les européens de l'est, notamment les Polonais et des pays Baltes. Ni la station de radar tchèque, ni le bouclier anti-missiles polonais ne seront utiles dans ce cas là. Non, ce dispositif de protection n'est utile qu'aux États-Unis et à eux seuls, démonstration à la clé. Mais par contre rien n'exclut que les États-Unis utiliseront ces bases à d'autres fins que celles pour lesquelles elles sont conçues. Depuis la guerre en Irak et les prisons secrètes de la CIA implantées en Europe, et dont on ne parle plus, on sait à quelles fins les États-Unis exploitent le moindre accord para ou militaire tout court. Les Russes ont sans doute raison de s'inquiéter, d'autant plus que stratégiquement l'OTAN, en ouvrant ses portes à la dictature géorgienne, avec le soutien de la Pologne et des Pays Baltes (non ce n'est pas un hasard!), après avoir réussi à en déloger la Russie (qui s'en est ému?), poursuit l'expansionnisme des interêts américains vers l'est. Un expansionnisme qui se fiche bien de diviser l'Europe - Ouest vs Est s'il le faut.

Sans doute aurait-il fallu rappeler un peu plus fermement à Tusk qu'il est avant tout membre de l'Union européenne, une communauté dont les intérêts politiques, économiques, sociaux, mondiaux... de tous ses membres et de leurs citoyens dépendent notamment de la capacité de ses leaders à les défendre. Tout ce que l'on peut constater c'est que l'accord entre les États-Unis et la Pologne ne va pas dans ce sens.

Paru le 22 août 2008 dans Newropeans Magazine


Marianne Ranke-Cormier est membre du comité de rédaction de Newropeans Magazine

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