par Philippe Herzog, le vendredi 10 octobre 2008

Pour la première fois l'Union européenne a pris un leadership diplomatique : la présidence française est intervenue dans le conflit géorgien de façon appropriée. Elle demande à la Russie de retirer ses troupes et elle propose de reprendre la négociation d'un Partenariat stratégique avec des liens économiques renforcés. La crise dramatique du système financier
global conduit également Nicolas Sarkozy à prendre l'initiative politique en vue d'une action appropriée de l'Europe.


N'est-ce pas notre intérêt commun ? N'est-ce pas urgent ? Faut-il que la crise frappe beaucoup plus fort encore pour nous résoudre à un plan d'action
paneuropéen ?

Il est consternant d'observer à l'heure où ces lignes sont écrites, que la
présidence de l'Union ait tant de difficultés à obtenir de ses collègues une réunion en vue d'une action globale et concertée de l'Union en tant que telle.

Pourtant les Etats-Unis ne sont pas les seuls responsables de la crise qui de toute façon nous impacte tous.

Beaucoup de banques européennes ont nourri aussi l'excès d'endettement et renvoyé les risques sur les marchés. La théorie du « découplage » était une fable. Certes, ici comme aux Etats-Unis, la Banque centrale doit fournir les liquidités, et plusieurs Etats recapitalisent leurs banques.

Mais que fait l'Union ? Plus on attend, plus le coût sera lourd. Monsieur
Barroso parle d'une réponse structurelle, mais l'Union a quasiment fait du surplace en matière de régulation et de supervision depuis 4 ans. La France a raison de demander la suppression de la « fair value » pour la comptabilité, règle que nous avons combattue dès avant sa promulgation.

Il faudra établir une solide régulation pour les établissements, un
superviseur européen où la BCE aura toute sa place, doter le Budget d'un fonds d'action conjoncturelle, créer des groupements d'investisseurs dédiés au long terme. Et il y a besoin rapidement d'une représentation politique unie pour que l'Union soit en capacité véritable de négociation internationale.

Elle n'est pas en mesure actuellement de défendre ses intérêts stratégiques ni de promouvoir les réformes de la gouvernance mondiale qui deviennent urgentes. Les Etats membres doivent consentir l'effort de prendre en compte l'intérêt européen, pour promouvoir un plan d'action, et entreprendre la refondation de la stratégie de l'Union.

Confrontations Europe – avec le soutien de la Commission – publie un livre collectif de référence et organise un colloque européen, autant de contributions pour un effort collectif à l'échelle de toute l'Europe.

Si l'on considère le chantier économique, notre prospérité et sécurité futures reposent sur trois piliers. Une réévaluation générale du rôle de propulsion de l'Union est nécessaire pour élever le taux d'emploi, bâtir la société de la connaissance, développer les compétences et l'innovation.

L'achèvement du marché intérieur n'ira pas sans transformation du système
financier et la mise en œuvre de politiques industrielles. L'Union devra se doter d'une politique macro-économique. Et ces trois piliers auront des dimensions claires en termes de stratégie extérieure.

Tout ceci fait appel à un véritable changement d'esprit. Les politiciens et les citoyens nationaux confondent l'intérêt national et l'intérêt européen. Les récents referenda, que ce soit en France, aux Pays-Bas ou en Irlande, en sont une malencontreuse illustration. Pour saisir ce que l'Union peut donner, tous les pays membres devront assumer un immense défi d'éducation, de médias, de comportement politique, en vue de créer un espace public paneuropéen.

Un renouvellement des institutions communautaires aura lieu en 2009. Il faut dès 2008 trouver un cadre de solution positive pour le Traité de Lisbonne, sinon le climat sera délétère. La campagne des élections européennes devrait être conçue autrement, avec des ressortissants non nationaux dans chaque débat national. Ensuite nous devrons exiger des nouvelles institutions une réforme profonde de leur fonctionnement et de leur gouvernance, afin de promouvoir les politiques publiques nécessaires et un meilleur équilibre entre elles et les forces du marché.

Editorial paru dans Interface n°40 de septembre 2008 de Confrontations Europe


Philippe Herzog est président de Confrontations Europe

http://confrontations.org

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