Alors que N. Sarkozy relance le débat sur la préférence communautaire, Peter Mandelson déplore les velléités protectionnistes, pointant la nécessité d'une ouverture réciproque des marchés et le respect des obligations internationales.
Au lieu d'une réforme significative de la législation antidumping, la Commission ne proposerait que des simplifications. Elle adopterait parallèlement, sous sa responsabilité des lignes directrices en consultant un
comité composé de représentants des États membres.
Elle propose une interprétation élargie de la notion d'intérêt communautaire prenant en considération non seulement les intérêts des producteurs et des consommateurs de l'UE, mais aussi ceux des entreprises européennes ayant délocalisé leur production dans un pays tiers, ainsi que ceux des
importateurs et de la grande distribution.
P. Mandelson prône donc une extension de la notion d'industrie européenne. Selon lui, des droits antidumping sur les composants augmenteraient les coûts de production, au détriment de la compétitivité de l'industrie européenne face à une concurrence internationale forte et à des conditions monétaires (taux
de change de l'euro) difficiles.
Tel n'est pas du tout l'avis des entreprises de production industrielle et de nombreux Etats membres (Allemagne, France, Espagne et Italie en particulier) qui s'opposent aux grands importateurs et à la distribution ainsi qu'à une petite minorité d'Etats (Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas). L'industrie manufacturière européenne accuse la Commission de ne pas respecter les procédures antidumping, et d'appliquer de facto les orientations du Livre vert
sans attendre les délibérations du Conseil.
L'affaiblissement des IDC apporterait un préjudice immédiat à la compétitivité. L'impact des droits antidumping sur les prix au consommateur serait négligeable, alors que les marges pratiquées par les importateurs et
distributeurs sont souvent excessives. Et au moment où plusieurs pays (Etats-Unis et Inde) intensifient leurs mesures de précaution, l'Europe affaiblirait sa position dans les négociations internationales. Le Parlement européen s'est limité jusqu'à présent à une "audition informelle" en juillet 2007 et à quelques prises de position individuelles (T. Saifi, E. Mann, G. Susta). Une majorité de députés craint la disparition des industries manufacturières dans l'UE. P. Mandelson a été auditionné lors de la commission INTA le 20 novembre. Celle-ci examinera les propositions les 18-19 décembre.
Mais avant que le traité de Lisbonne n'entre en vigueur, elle n'aura pas son mot à dire !
L'enjeu majeur se situe donc dans l'interprétation de l'intérêt européen dont la production des biens représente une caractéristique essentielle. L'UE doit-elle renoncer à l'industrie manufacturière ? La Chine, gorgée de rentrées de devises, ne veut pas réévaluer significativement le yuan. Il y a donc quelque provocation à vouloir assouplir les critères des IDC au nom de la défense de l'intérêt communautaire, quand elle impose à ses propres consommateurs des prix intérieurs en hausse, d'où des rentes pour ses producteurs, et
attaque à l'exportation avec des prix attractifs.
John Monks (CES) relance aussi la question de la responsabilité sociale dans les règles du commerce mondial. Le vaste débat sur la définition de l'intérêt communautaire ne fait que commencer !
Article paru dans Interface n°32 de Confrontations Europe
Violaine HACKER est Coordinatrice des Etudes
Responsable du groupe de travail Mondialisation
à Confrontations Europe
http://www.confrontations.org