Une femme s'installera-t-elle à l'Elysée au printemps prochain ? Alors que les militants socialistes viennent de plébisciter Ségolène Royal pour les représenter officiellement dans la bataille présidentielle et que Michèle Alliot-Marie, à l'UMP, n'a peut-être pas dit son dernier mot, il n'est pas inutile de rappeler qu'une femme dirige l'Allemagne depuis maintenant un an : Angela Merkel.
La chancelière ne connaît pas personnellement la présidente de la région Poitou Charente. Mais, comme elle, elle a été ministre de l'Environnement. Une même sensibilité aux problèmes écologiques pourrait les rapprocher. Pour le reste, tout semble les séparer, à commencer par l'étiquette politique. Avec Michèle Alliot-Marie, en revanche, les points communs sont plus nombreux : les deux femmes ont un peu de sang polonais dans les veines, elles ont dirigé l'une le RPR, l'autre la CDU, toutes deux ont divorcé et aucune n'a d'enfants
Cette recherche d'affinités électives -réelles ou supposées- pourrait sembler futile si, dans le couple franco-allemand, la part des relations personnelles n'était pas aussi importante. De Gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, Mitterrand-Kohl, Chirac-Schröder
Tous ces hommes, pourtant fort différents, avaient su tisser entre eux des liens puissants.
Angela Merkel, dès son arrivée au pouvoir, a joué la carte de la continuité. Avec d'autant plus de mérite que Jacques Chirac n'avait jamais vraiment caché qu'il aurait préféré la réélection de son ami Schröder à Berlin et que le « non » français au référendum sur le projet de traité constitutionnel, le 29 mai 2005, avait passablement ébranlé les élites allemandes
Mais, comme dans le patinage artistique, il y a les figures libres et les figures imposées. La chancelière s'est pliée de bonne grâce aux secondes pour ne pas manquer aux usages
Un an s'est écoulé et le moins que l'on puisse dire est que le couple franco-allemand peine à trouver son équilibre dans l'Union à vingt-sept comme dans le « village planète ». Qu'il s'agisse de l'avenir du traité constitutionnel européen, de la politique énergétique, de la politique fiscale ou même de la politique étrangère (voir la crise libano-israélienne), de vraies divergences de fond sont apparues entre Berlin et Paris.
Concernant la vie des entreprises, la situation n'a pas été, elle non plus, de tout repos avec les graves dysfonctionnements d'Airbus ou l'affaire Euronext : l'opérateur boursier européen dont la place de Paris est le maillon essentiel préfère se marier avec l'américain Nyse plutôt qu'avec Deutsche Börse
Bref, le bateau est encalminé. Et la présidence allemande de l'Union européenne, à partir de janvier prochain, ne s'annonce pas facile avec une France obnubilée -pour ne pas dire paralysée- par l'élection présidentielle d'avril-mai et les législatives de juin 2007.
Angela Merkel est une pragmatique. Sans un sens consommé du compromis, elle n'aurait pas accepté de diriger une grande coalition avec les sociaux-démocrates allemands. Elle use de ce même pragmatisme avec la France, un pays pour lequel elle n'a ni affinités particulières ni aversion, mais dont elle respecte évidemment l'histoire, les idées et la
respiration électorale !
En bonne scientifique, elle juge sur les faits. En bonne politique, elle n'oublie jamais les intérêts de son pays
Or ceux-ci, sur le plan économique, demeurent étroitement liés au partenaire hexagonal : la France est toujours le premier partenaire commercial de l'Allemagne et l'Allemagne le premier investisseur européen en France. Un ciment solide sur lequel on peut continuer de bâtir.
En attendant des jours meilleurs
Baudouin Bollaert, journaliste, professeur à Sciences Po et à Paris II, vient de publier aux éditions du Rocher « Angela Merkel, une femme à la tête de l'Allemagne ».