L'Europe traverse actuellement une relative phase de répit (mais le problème grec reste préoccupant et le Portugal montre des signes inquiétants). Les actions entreprises par la BCE couplées à la politique sérieuse du gouvernement Monti ont permis de diminuer le risque d'implosion financière à court terme. Est-ce à dire que la crise est terminée ? Certainement pas !
Les dirigeants européens exploitent-ils au mieux cette phase ? A l'issue du Sommet européen du 30 janvier, ils se sont mis d'accord (à 25) sur un« traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance » et ont adopté (à 27) un texte sur la croissance et l'emploi. Un traité utile ou un coup d'épée dans l'eau ?
Ce traité est avant tout un accord sur le durcissement des règles budgétaires nationales : une force juridique accrue est conférée aux règles d'or et les dispositifs de surveillance des budgets nationaux et de sanctions sont renforcés. L'article 3 prévoit que les budgets des administrations publiques devront revenir « à l'équilibre ou en excédent » et que le déficit structurel ne devra pas excéder 0,5% du PIB nominal sur un cycle économique. La stratégie allemande l'emporte : elle veut éviter de renouveler l'expérience grecque et celle de l'Italie l'été dernier (des réformes annoncées, puis retirées après une émission obligataire réussie) et contraindre les Etats membres à adopter les réformes structurelles jugées nécessaires. Indéniablement, de gros problèmes de dette publique se posent pour de nombreux pays. Mais il n'existe pas de définition partagée de la variable de déficit structurel, et surtout la règle d'or doit être contextualisée et adaptée à la situation de chaque pays, en prenant notamment en compte les dépenses d'investissement nécessaires afin que l'austérité ne fasse pas plonger dans la récession. De plus, un traité centré sur la seule diminution de la dette publique alors que la dette privée est plus lourde passe à côté des difficultés du processus de désendettement !
Pour sortir de la crise, « les déficits publics sont des contreparties naturelles et le principal facilitateur pour le nécessaire désendettement du privé » affirme Martin Wolf1. Seul un surplus de balance extérieure permet de réduire le déficit d'un Etat dans le contexte du désendettement du secteur privé. Or tout le monde ne peut pas, par définition, être en surplus ! Le resserrement budgétaire doit donc bel et bien être sélectif et une coopération entre Etats membres s'impose.
De plus, la discipline budgétaire ne peut pas tout. Mario Monti martèle ce message, la prise de conscience émerge lentement, l'adoption d'un texte sur la croissance en témoigne. Mais comme il est faible ! « Achever le Marché intérieur » - alors qu'une rénovation en profondeur est nécessaire - et « relancer le financement notamment pour les PME » : on a déjà dit cela ! Le problème central des divergences de compétitivité intra-communautaires est-il bien compris ?
L'intérêt d'un Traité entre les pays qui veulent converger pour consolider l'Eurozone est incontestable. Mais des forces diverses ont agi pour dévitaliser l'initiative annoncée en décembre. Que la Commission et le Parlement, qui ne jurent que par la méthode communautaire mesurent bien qu'il n'y a pas lieu de se réjouir. Cette méthode n'est pas parvenue ces dernières années à bâtir une coordination digne de ce nom ni à promouvoir de nouvelles politiques communes. La crise a mis en lumière tout ce qui a manqué pour accompagner l'euro : politiques communes de formation, d'emploi, d'industrie et de cohésion renforcée, intensification des modes d'intégration existants, synergie entre budgets nationaux et un véritable budget communautaire ont été absents ces 20 dernières années ! L'heure est grave, l'éclatement de la zone euro est un scénario qui prend une ampleur importante dans les pronostics et les tentations populistes se multiplient. Ne jouons pas avec le feu, l'unité même de l'Union européenne est en question.
Prenons ce Traité comme le début d'un effort de convergence. Celle-ci devra être significativement améliorée. Poussons-les à donner corps à un pare-feu plus conséquent, à régler la question grecque, à se doter d'une politique pour l'emploi, à ouvrir le dossier des eurobonds. Il est temps aussi de penser les nouveaux partages de compétences entre Etats et Union qu'impose une monnaie partagée. Une consolidation fondamentale de l'Eurozone doit dès maintenant devenir un objectif politique.
Interface n°73 Fevrier 2012
Carole ULMER est Directrice des relations institutionnelles à Controntations Europe
http://www.confrontations.org