par Patrick Martin-Genier, le mardi 14 février 2012

Le Parlement grec a donc adopté le plan de rigueur rendu indispensable pour recevoir l'aide supplémentaire de 130 milliards d'euros de la part de l'Union européenne et des institutions financières internationales, notamment le fonds monétaire international.


Une tragédie grecque

Les événements qui ont secoué la Grèce font véritablement penser à une tragédie grecque. Les représentants du peuple ont ainsi pris ces mesures alors que ce dernier signifiait à ces représentants que le lien de confiance étant manifestement rompu.

Les manifestations avaient commencé par une démonstration de force avec banderoles du parti communiste sur le lieu hautement symbolique de l'Acropole sur les hauteurs de la capitale grecque.

À mesure que le plan d'austérité se précisait et que le Parlement en débattait, la foule a été immense en plein cœur d'Athènes pour manifester un réel et profond mécontentement. Les violences n'ont pu être évitées : des immeubles ont brûlé et des affrontements sévères ont eu lieu avec les forces de l'ordre.

Le peuple grec vit une véritable tragédie qu'il va devoir supporter durant des années. Comme l'affirmait récemment un observateur, le peuple paie aujourd'hui des années d'impéritie des pouvoirs publics, qui n'ont jamais réellement assumé les devoirs et obligations de dirigeants responsables et tout simplement honnêtes.

Il est vrai aussi que dans un système de corruption généralisée et de népotisme, chaque couche de la population a, d'une certaine façon, profité de la situation… Le non-paiement d'impôts constituait un sport national, mais l'Etat n'a pas eu la force de faire face avec énergie et courage à la situation. Les gouvernements successifs ont ainsi pendant des années, tout simplement caché la situation financière du pays en fournissant des chiffres erronés relativement au niveau d'endettement de déficit public.

La vengeance de la finance internationale

La finance internationale se venge donc aujourd'hui et de quelle façon…

Il fallait voir cette troïka défilé à l'unisson dans les bureaux du Premier ministre, lui-même ancien banquier provisoirement installé aux commandes avant que les élections ne provoquent probablement des soubresauts et ressortir de chez M. Papadémos avec serviettes et cartables en cuir sous les bras aussitôt embarqués dans des voitures noires aux vitres teintées…

L'unité nationale a aussi souffert. Il a fallu que le Premier ministre aille chercher des ministres jusque dans le parti d'extrême droite. Imaginerait-on Marine Le Pen dans un gouvernement d'union nationale ? Cela ne se passerait sans doute pas de la même façon… Quoi qu'il en soit, ces quatre ministres démissionnaient du gouvernement en pleine discussion. Plus gênant, deux autres ministres socialistes du PASOK faisaient de même, alors qu'Andréas Papandréou, ancien Premier ministre socialiste, entourait le Premier ministre en exercice M. Papadémos dans une salle de réunion de la présidence du conseil pour trouver les modalités de l'entente et de soutien au plan d'austérité.

Le peuple italien aussi

Bref, le peuple grec n'a pas fini de souffrir et les élections législatives du printemps devraient apporter leur lot d'évènements imprévisibles. En outre, il est d'ores et déjà certain que ce premier volet financier de l'aide à ce pays ne suffira pas.

Mais sera-t-il possible d'aller plus loin ? Les pensions de retraite vont diminuer drastiquement, y compris complémentaires. Le SMIC va baisser de 22% pour passer en dessous de 600 euros ! Comment les travailleurs, les salariés, les jeunes couples vont-ils pouvoir vivre, même survivre ? Les ingrédients d'une situation encore plus explosive existent…

D'un autre côté, la Grèce avait-elle le choix ? Un refus eut ipso facto signifié l'exclusion de la zone euro, le retour à une monnaie nationale complètement dévalorisée et la marginalisation du pays sur le plan international. On sait déjà que beaucoup de jeunes vont s'expatrier pour aller travailler ailleurs, notamment dans la florissante Turquie à proximité…Mais les autres ? Il faudra probablement passer par le « système D »…

Quand on voit cette situation on se dit aussi que les pays endettés de la zone euro n'ont pas d'autre choix que celui de la restriction de la dépense publique, du train de vie de l'Etat et malheureusement d'une augmentation de l'imposition fiscale. Mais cela ne pourra se faire que dans le cadre de la justice sociale, maître mot qui devra guider nos futurs dirigeants ou l'actuel président si celui-ci est reconduit lors de la prochaine élection présidentielle.

La France est concernée bien sûr, mais aussi l'Espagne, le Portugal et l'Italie.

Ce dernier pays, sous la tutelle professorale de Mario Monti a également réagi rapidement et dans des conditions qui vont mettre le peuple italien à la diète.

Le président du conseil italien s'est rendu la semaine dernière à la bourse de New-York où il s'est attaché à convaincre les marchés financiers de la volonté politique de son pays de retrouver le chemin de la vertu budgétaire : tel un chemin de croix du Vatican ( ou presque) jusqu'à Wall Street…

Et ce au moment où une autre agence de notation vient de décider de dégrader de nouveau la note de plusieurs pays et de mettre la France « sous pression »…


Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à Sciences-Po Paris, spécialiste des questions européennes.

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