par Patrick Martin-Genier, le dimanche 04 mars 2012

Ainsi il existerait une sorte de cordon sanitaire européen dirigé contre François Hollande, candidat socialiste à la prochaine élection présidentielle des 21 avril et 6 mai prochain. Est-ce une réalité ou un simple fantasme et en quoi ce front anti-hollande est-il susceptible d'interférer dans la campagne ?


Il est de jurisprudence constante qu'un chef d'Etat ou un Premier ministre d'un pays extérieur n'a pas, en tant que tel, à se mêler d'une élection dans un autre Etat membre. Le droit d'ingérence ne peut être légitime que si nous sommes en présence d'un Etat qui ne respecterait pas les libertés démocratiques ce qui n'est pas le cas de la France, malgré les « loupés » enregistrés de temps en temps…

On ne peut évidemment empêcher une personnalité extérieure d'avoir une sorte de préférence, mais dans l'histoire de la construction européenne, il est aussi arrivé que cette préférence intervienne entre dirigeants n'étant pas nécessairement de la même couleur politique mais sur la même longueur d'onde en ce qui concerne les affaires européennes. Angela Merkel a donc trouvé le subterfuge, lequel lui aura été probablement inspiré depuis Paris. Étant de droite, quoi de plus naturel que de soutenir un candidat de droite, même de plus en plus à droite et qui se rapproche ainsi encore plus des valeurs de l'Allemagne profonde, notamment de la Bavière catholique ? Membre de la CDU, Angela Merkel ne pourrait donc que soutenir Nicolas Sarkozy, candidat de l'UMP avec lequel elle a travaillé durant ces cinq années riches en rebondissements et en soubresauts.

Une fin de non-recevoir inélégante

Ce tour de passe-passe est habile. Sauf qu'Angela Merkel est chancelière de la République fédérale d'Allemagne, tout comme d'ailleurs David Cameron est Premier ministre anglais et non pas seulement le leader des Tories, de même que Mario Monti est président conseil italien. Autant de personnes, y compris le Premier ministre espagnol conservateur, qui seront dans l'obligation de travailler avec François Hollande et son équipe de l'Elysée et du gouvernement si ce dernier est élu président de la République française le 6 mai prochain.

Refuser ainsi de recevoir François Hollande à Berlin, Londres, Rome ou Madrid, n'est pas seulement de mauvais goût mais également une faute politique. Un Premier ministre en exercice recevant un dirigeant d'opposition d'un autre pays ne souscrit pas nécessairement à sa politique, mais fait un acte diplomatique pour le cas où il devrait travailler avec cette personne si celle-ci accède ensuite aux responsabilités gouvernementales.

Car si François Hollande est élu président de la République, il faudra bien que les dirigeants en exercice non seulement l'acceptent mais l'adoubent comme interlocuteur de premier choix puisqu'il sera président de la République française. Tout porte à croire d'ailleurs que tant la chancelière que le Premier ministre britannique feront assaut d'amabilité tant le pragmatisme le dispute au cynisme en la matière… Mais la prise de connaissance risque alors d'être un peu compliquée…surtout si François Hollande se croit obligé, selon un rite désormais établi, de réaliser à Berlin son premier voyage à « l'étranger »….

Il est donc indispensable, pour les dirigeants européens, de respecter une sorte de neutralité entre les candidats, ne serait-ce que pour préserver l'avenir. Il pourrait d'ailleurs être d'une grande utilité que François Hollande rencontre Angela Merkel afin qu'il lui explique sa vision de la construction européenne ou son projet de taxer les plus grandes fortunes à 75% voire plus si l'on compte les autres prélèvements…Quelle sera la position du futur président s'agissant des traités adoptés dans des conditions assez expéditives somme toute alors même que certains pays ont d'ores et déjà affirmé qu'ils ne souhaitaient pas s'y joindre, dont la Grande-Bretagne ?...

Un front de la contestation anti-Merkel ?

Au contraire, l'élection de François Hollande n'est-elle pas susceptible d'ouvrir un front de la contestation en Europe ? C'est probablement ce que craignent les dirigeants réticents à l'idée d'avoir à travailler avec le dirigeant socialiste, lesquels semblent avoir oublié que les socialistes sont à l'origine, en France, du traité ayant instauré la communauté économique européenne en 1957 et qu'ils ont d'ailleurs toujours été à l'origine des grandes avancées de la construction européenne avec leurs alliés sociaux-démocrates…

Recevoir un dirigeant dans l'opposition est une opération facile : cette rencontre peut durer quinze minutes, et se déroule en l'absence de toute règle protocolaire. Où est donc la difficulté ? Ajoutons par ailleurs que si Angela Merkel allait encore plus loin en intervenant dans les réunions de Nicolas Sarkozy, il n'est pas certain que cela serait d'un grand apport. Ce qui serait alors vécu comme une immixtion dans la politique intérieure pourrait provoquer une réaction de rejet tout à fait contre-productive…

À bon entendeur…


Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes 

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