Commencer une nouvelle année est toujours un événement en soi. Cela donne toujours l'impression que nous sommes à un nouveau départ, que de nouvelles opportunités nous sont offertes pour faire mieux. On établit sa liste de bonnes résolutions et puis au fil des jours, des semaines et des mois, face à la réalité et au quotidien, on a tendance à oublier ce qu'étaient nos promesses d'hier. Ce serait trop facile! Surtout quand ces promesses relevaient comme c'est le cas pour nos politiciens de simples tactiques démagogiques.
Quand ceux que nous avons désignés aux plus hauts postes de l'état oublient leurs promesses et se désengagent face à leurs responsabilités ou à la difficulté de l'exercice du mandat, qu'ils ont accepté! (personne ne les a contraint à devenir président, ou ministre, ou député), qu'ils ne tirent pas les conséquences de leurs actes et qu'ils ne veulent pas céder devant la légitime révolte des citoyens, alors la démocratie est en danger.
En France les citoyens en colère contre la réforme des retraites ne demandaient pas autre chose que d'être consultés et d'avoir leur mot à dire sur cette réforme. En Allemagne les habitants de Stuttgart ne réclament pas autre chose qu'un référendum sur le projet de construction de la gare et une définition des priorités (quand les lignes de train ne fonctionnent pas à cause des intempéries c'est que la modernisation des infrastructures pose un autre problème que celui d'une gare). En Grèce les révoltes ne visent pas le plan d'austérité mais l'absence totale de responsabilisation et de condamnation des principaux coupables (banquiers, politiciens, chefs d'entreprise... corrompus qui ont plongé le pays dans cette dette vertigineuse). En Grande Bretagne les étudiants protestaient non pas contre la seule augmentation des frais universitaires, mais contre le démantèlement de l'éducation publique...
Nous connaissons bien cela nous citoyens européens qui avons été dépouillés de notre seul droit au moment du passage forcé du Traité de Lisbonne et à qui on jette en pâture le fameux droit d'initiative européen: le droit à faire des pétitions! Tout cela vous avez pu le découvrir dans le NewropMag au fil de vos lectures.
La crise n'a pas démuni que les plus pauvres ou les plus fragiles (toutes les classes moyennes sont susceptibles d'en pâtir bien plus que les riches), mais aussi nos hommes et femmes politiques. C'est bien plus facile de gouverner quand tout va bien. Et ceux que nous avons à la tête de nos gouvernements actuellement, mais également tous les "apparatchiks" des partis politiques qui montent aujourd'hui au créneau pour les échéances électorales des deux prochaines années un peu partout en Europe, n'ont pas été formés à la crise. Tout juste s'ils ont une idée de l'Europe, parce que tout simplement ils n'ont jamais été contraints de se pencher sur les grands corps malades de nos sociétés. Ils n'ont appris qu'à se servir dans les caisses de l'état, ou dans les caisses des régimes privés, pour compenser (et se servir et servir leurs amis au passage...). Ils ont appris à compenser!
Seulement voilà, quand les caisses sont vides (et que malgré tout les pratiques de bon copinage continuent - peut-être pas au niveau national mais les subventions de la Commission européenne par exemple n'ont pas connu le même régime d'austérité...) on ne peut plus compenser.
Alors il faut trouver des idées. L'émulation européenne a été très forte, mais chacun finalement a fait sa cuisine de son côté, si elle n'était pas financière (eurozone et fonds d'aide obligent), elle était sociale (réformes des retraites, coupes dans les budgets de l'éducation, d'aides sociales, de la recherche,...) jusqu'au populisme (Hongrie et la loi sur les médias ou la taxation des entreprises européennes, Pays-Bas et le régime des musulmans, Italie et l'entrainement quasi-militaire des lycéens du Nord...). Cependant, l'évènement de l'année restera cette quasi naissance de l'Euroland, sans doute à l'encontre des voeux des chefs d'état des seize pays alors concernés (l'Estonie vient tout juste de le rejoindre), girouettes qui tournent au gré des sondages, ou manipulées par les instituts de sondage en survie.
L'Union européenne n'a pas été capable de prendre le relais des états financièrement défaillants, c'est l'Euroland qui s'est imposé (ou le FMI). Elle ne l'est pas davantage s'ils sont politiquement défaillants. Barroso, nos quelques sept cents députés européens n'ont pas été capables de lancer ces grands chantiers de relance socio-économique attendus en 2010, et l'Europe si nous continuons ainsi entame son déclin. L'Europe n'a pas été capable depuis 30 ans, malgré des fonds astronomiques versés en subventions auprès d'instituts, d'écoles et d'organismes européens de toutes sortes, de développer la recherche, les technologies, de promouvoir le modèle européen d'éducation et a même réussi à tuer l'un de ses rares programmes couronné de succès, Erasmus. L'Europe s'est vendue au modèle américain (ou elle l'était déjà), encensé par les élites et les médias américanistes: on se souvient des heures de gloire des Hedge-funds, subprimes, Mc Do, OGM, Google, Afghanistan, OTAN... jusqu'à son modèle d'enseignement supérieur (Bachelor, Master...), et va suivre du même pas chancelant sa déroute si elle ne se révolte pas.
La chance de l'Europe ce sont in fine ses Européens. Même si nous sommes des générations qui n'ont pas connu de guerres, nous sommes, nous, encore capables de nous indigner et de réinventer des modèles sociétaux et démocratiques pour reconfigurer l'avenir. Nous savons que nous ne pouvons indéfiniment confier les rênes du pouvoir à des ignorants de notre Histoire. Notre chance c'est cette jeunesse européenne forgée aux premiers succès d'Erasmus sur les ruines du mur de Berlin. Notre chance aussi c'est que l'Euroland n'est pas encore gangréné par la maladie immunitaire des pouvoirs communautaires. Alors partons en route pour le monde d'après!
Edito du Newrop Mag du 10/01/2011
Mariann Ranke-Cormier est rédacteur en chef Newropeans magazine
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