par Patrick Martin-Genier, le lundi 31 janvier 2011

On le pressentait déjà avant la réforme institutionnelle issue du traité de Lisbonne, mais la tendance semble se confirmer. La commission européenne, attaquée de toute part, semble engagée dans un processus de marginalisation au sein des institutions européennes.




L'Allemagne ne soutient plus la Commission européenne


Les rapports de M. Barroso, son président, avec certains chefs d'Etat et de gouvernement, ne sont pas bons. Il en est ainsi avec Nicolas Sarkozy, président de la République française, qui n'a guère goûté les remontrances de la vice-présidente de la Commission en ce qui concerne la politique de la France à l'égard des Roms. Des éclats de voix avaient ainsi émaillé la rencontre des deux hommes en marge d'un conseil européen qui avait examiné cette question.

Voilà qu'aujourd'hui, Angela Merkel serait en train de "lâcher" le président de la Commission européenne ; on parle même de "haine" alors que l'on imagine guère Angela Merkel faire preuve d'un tel sentiment vis-à-vis d'une personne.

Il n'en est pas moins vrai que la chancelière allemande, à l'instar de l'ensemble de la classe politique allemande n'a en fin de compte vraiment jamais accepté la pilule qui consistait à venir en aide aux pays considérés comme laxistes en matière budgétaire, les fameux pays du "club Med" en premier lieu la Grèce.


La Commission, un simple secrétariat administrativo-technique ?


Pour avoir enfoncé le clou de la nécessité de continuer à abonder encore plus le fonds consacré à cette mission, José Manuel Barroso s'est attiré les foudres d'une chancelière qui doit composer avec le libéral Guido Westerwelle, ministre des affaires étrangères, partenaire gênant mais pour le moment indispensable de sa coalition gouvernementale.

La circonstance que l'Allemagne ne soutienne plus la commission européenne, voire soit tentée de la ravaler au simple rang de secrétariat admnistrativo-technique, constitue une première, signe que ce pays ne semble plus avoir besoin de la caution de la Commission pour faire valoir son point de vue.

Cela fait donc deux pays, et non des moindres qui semblent au moins d'accord sur ce point : réduire l'influence de la commission européenne, en faire un organe d'exécution de la politique décidée par les chefs d'Etat et de gouvernement.

Ils peuvent d'ailleurs compter sur les populations européennes qui ne semblent pas vraiment prêtes à défendre une institution lointaine et qui , au fil du temps, a pris du pouvoir au point de vivre sa vie d'une façon presque autonome…La récente bévue de la distribution, dans les écoles semble-t-il, d'un agenda confectionnée par la Commission et mentionnant toutes les fêtes religieuses, sauf les fêtes chrétiennes, en constitue un exemple caractéristique. Bien que cet épisode soit regrettable, ce serait une erreur que de monter cette affaire en épingle au risque de favoriser la montée d'une sorte de populisme exacerbé qui ne servirait qu'à réduire encore plus le sentiment d'appartenance des citoyens à l'Europe dont on a vraiment besoin.


Pourtant, la commission européenne dispose de l'initiative des "lois"


Cet amenuisement du rôle de la commission apparaissait en filigrane avant même la reconduction de M.Barroso à la tête de la commission européenne, lequel ne s'est pas il est vrai vraiment battu pour faire prévaloir son point de vue dans différents domaines et qui est apparu un peu débordé par les évènements qui ont secoué l'Europe au cours de ces trois années.

Il faut ajouter à cela le fait que le traité de Lisbonne a redistribué les cartes du jeu et que les mêmes acteurs semblent vouloir désormais tout parier sur le rôle du président permanent du conseil européen en exercice, le belge Herman van Rompuy qui semble avoir d'ores et déjà hypnotisé les principaux acteurs de la scène politique européenne…

Certes, il sera possible d'estimer que les institutions naissent, vivent et meurent.

Le problème en l'espèce est que le traité prévoit toujours que la commission, sur le plan législatif, dispose encore du pouvoir d'initiative.


Des enjeux très politiques


Il est vrai qu'un haut fonctionnaire du secrétariat général du Conseil européen ironisait lors d'une rencontre sur place au mois de décembre, sur le fait que ce droit d'initiative était réduit à sa plus simple expression dès lors que les chefs d'Etat et de gouvernement proposaient à la Commission de faire valoir son droit d'initiative…

Par delà le débat technique, les enjeux dont donc véritablement politiques : l'Europe va-t-elle se recentrer autour de quelques grands Etats laquelle marginaliserait ainsi à la fois la Commission européenne, mais aussi les états moyens et petits…

Un récent petit-déjeuner de presse en compagnie de Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes au cours de laquelle le nouvel ambassadeur de Roumanie en France à Paris s'est ému de cet aspect des choses, a montré que certains états ne semblent pas décider à laisser faire…


Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes


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