Bonne nouvelle pour la défense européenne ou moindre mal diront les plus pessimistes pour une défense qui stagne, voire régresse, le gouvernement allemand a décidé de ratifier l'accord de financement sur l'avion de transport militaire européen d'Airbus, le fameux A400M, qui avait été conclu en novembre 2010. C'est un dirigeant du FDP (les Libéraux allemands), Jürgen Koppelin, spécialiste des questions budgétaires au sein de ce parti allié à la CDU de la chancelière allemande Angela Merkel, qui l'a déclaré mardi 25 janvier.
Les pays clients avaient annoncé le 5 novembre dernier à Toulouse un accord sur le financement de ce programme, dont le coût prévu de 20 milliards d'euros, a connu un surcoût estimé par EADS, maison-mère d'Airbus, à 5,2 milliards d'euros. Et un programme retardé de près de 4 ans par rapport aux ambitions initiales.
Petit bémol, qui est tout de même de taille, M. Koppelin a précisé que sur les 53 avions achetés, Berlin en revendrait 13 à des tiers. L'Allemagne, qui a décidé un très important programme d'économies budgétaires, avait initialement commandé 60 appareils. Puis avait décidé en novembre de convertir 7 commandes en options. Avec cette réduction de commandes, déjà actée en novembre dernier, c'est au total, 170 avions qui font l'objet d'une commande ferme de la part des 7 partenaires de l'avion de transport contre 180 initialement prévu.
Le premier avion sera livré à la Luftwaffe, la force armée aérienne allemande, en novembre 2014. La France, recevra, elle, le premier appareil en mars 2013.
C'est donc au moins un demi-succès pour l'aéronautique militaire européenne et l'Europe de la défense en quête de moyens de transports modernes et performants pour réaliser ses opérations militaires au titre de la PESD. Les Echos de ce mardi 25 janvier rappellent que : « l'A400M a été commandé pour répondre au retard européen en capacité de transport militaire ». Un manque qui obérait les possibilités opérationnelles européennes et rendait l'UE dépendante des moyens de transport stratégique américains ou de pays tiers.
C'est cependant une nouvelle bonne nouvelle pour EADS, qui contrôle Airbus. Le numéro un aéronautique avait bien commencé l'année dans le domaine civil avec un "fabuleux contrat signé par Airbus avec la compagnie low cost indienne Indigo, qui vient de commander 180 moyens-courriers A320. Cela permet à EADS de commencer l'année en fanfare. D'après Louis Gallois, jamais un aussi grand nombre d'avions n'avait été acheté en une seule fois depuis les débuts de l'aviation civile", rapporte David Victoroff dans Valeurs actuelles du 20 janvier.
Et ajoute le journaliste, s'agissant de l'A400M, "l'avenir de cet appareil ne paraît plus remis en question." Il rappelle que début 2010, "EADS était suspendu à la décision des Etats pour savoir si le programme de l'avion de transport militaire serait poursuivi."
Il en est tout autrement en ce début d'année : "les essais en vol de trois prototypes se déroulent à la satisfaction du constructeur et la production en série va commencer."
Si le niveau des commandes européennes peut décevoir au regard des engagements initiaux, EADS mise cependant sur l'export.
"Le potentiel de l'A400M à l'export est très important", soulignait récemment Louis Gallois, le président exécutif d'EADS dans un entretien aux Echos.
Le Français estime le marché potentiel de l'A400M à l'export autour de 400 exemplaires durant les 20 à 25 ans qui suivront sa mise en service. Et il pourrait même intéresser "les Etats-Unis car il est unique au monde par ses capacités tactiques et stratégiques". Un peu ambitieux peut-être quand on connaît les capacités des avions de transport américains et le coût élevé de l'appareil de transport européen. Néanmoins, l'A400M a déjà été commandé, comme on l'a dit, à 170 exemplaires par 7 pays, dont 50 pour la France. Il occupe cependant selon certains "une niche entre le Lockheed Martin C-130J Hercules et le Boeing C-17 Globemaster III. Il est prévu pour des missions de combat dans des zones difficiles comme l'Afghanistan, de même que pour des missions humanitaires". ("Germany further reduces A400M order", Associated Press, 25 janvier 2011).
Il pourrait donc aussi intéresser certains pays émergents. Espérons qu'il entraînera dans son sillage un Rafale de Dassault, lui bien en peine
Edouard Pflimlin est journaliste. Auteur notamment de « Vers le développement des capacités militaires de l'Union européenne ? » (Fondation Schuman), il est depuis peu chercheur associé à l'IRIS.