par Noëlle Lenoir, le mardi 08 février 2011

Galilée qui a été condamné au 16ème siècle pour avoir défendu la thèse copernicienne de la mobilité de la Terre, a depuis lors heureusement été réhabilité et il est célébré dans le monde entier. Le nom du grand savant italien, l'une de nos fiertés européennes, a été emprunté pour désigner le projet industriel – le seule de l'histoire de l'Europe, destiné à doter l'Union européenne d'un système de navigation par satellite capable de concurrencer le GPS américain et d'accroitre l'autonomie des Européens dans un domaine parmi les plus porteurs de la technologie spatiale.


Mais voilà ! Il arrive à l'Europe ce qui hélas la caractérise trop de nos jours. De grandes ambitions, des réalisations plus modestes, voire parfois des échecs. Les étapes de réalisation de Galileo sont en effet peu rassurantes.

Son lancement a d'abord été laborieux. En effet, il a fallu discuter âprement avec le gouvernement américain qui ne voulait pas entendre parler au début d'un GPS européen susceptible de remettre en cause la supériorité américaine en la matière, et surtout interférer avec les applications de défense/sécurité du système. Je me souviens de certaines discussions houleuses en 2002/2003. Les représentants américains chargés de défendre les intérêts de leur pays faisaient savoir que prétendre permettre aux Européens de s'autonomiser dans le domaine de la défense était "non négociable" ! Les divergences ont été surmontées. Finalement, il a été convenu que l'Union européenne limiterait Galileo à des applications civiles…en dépit du flou d'un tel engagement dès lors qu'il est très difficile de tracer une ligne nette entre sécurité défense et sécurité civile.

Puis, vint la période de la constitution du Consortium industriel, formé de toutes les entreprises en Europe ayant l'expertise et les capacités financières pour pouvoir valablement participer au projet. Mais c'est que le bât blessait précisément, car il était demandé à ces sociétés de financer Galileo sans perspective de rentabilité avant longtemps. Le Consortium n'a pas manqué de se désagréger, on s'en doute. Il a fallu la ténacité de Jacques Barrot, à l'époque Commissaire européen aux Transports, pour faire admettre par les Etats et la Commission européenne que Galileo ne pouvait être qu'un projet public financé par des fonds publics.

Nous en sommes aujourd'hui à la troisième phase – mais non la dernière - d'exécution du projet. Elle a pris un retard important, puisque maintenant, il n'est plus question de mettre en place les satellites prévus avant 2014 et encore ! Car comme l'indique la Commission européenne dans son rapport d'étape paru mi-janvier 2011, ce ne sont pas 3,4 milliards d'euros qu'il faut mobiliser, mais entre 5 et 6 milliards et peut-être davantage. Et qui va payer ? Le budget de l'Union ou plus directement les contribuables nationaux ?

L'affaire Galileo me peine. Voilà un projet mobilisateur, d'intérêt industriel et scientifique incontestable, de portée potentiellement considérable eu égard à ses enjeux de sécurité, et qui serait pour les citoyens l'occasion d'identifier l'Europe comme acteur global de l'innovation !

Si l'Europe n'est pas capable de mettre en œuvre la politique spatiale qu'elle a décidé d'initier il y a presque dix ans, alors que les autres grands pays se sont détachés de ce projet pour construire leur propre système, comme c'est le cas de la Chine, de l'Inde ou de la Russie, alors il faudra désespérer de cette Europe de l'impuissance et du renoncement. A moins que Galileo ne soit qu'un "projet stupide qui sert en premier lieu les intérêts de la France…". C'est ce qu'aurait déclaré selon Wikileaks l'ancien patron – aussitôt remercié – de OHB Technology, la société allemande qui a remporté l'un des marchés ouverts pour la réalisation des infrastructures de Galileo. Cette déclaration en dit long sur l'absence de solidarité européenne et la méfiance qui existe entre Européens.

Faisons mentir cet industriel ! Que le Conseil européen du 4 février prochain s'engage, et vite à l'unanimité pour aller au bout d'un projet qui devrait susciter l'enthousiasme au lieu du scepticisme. Cela vaut bien quelques milliards d'euros qui seront mieux utilisés qu'à engraisser les sociétés mafieuses qui se jouent de l'Europe en organisant l'énorme fraude à la TVA intra européenne qui nous coûte, paraît-il, entre 50 et 60 milliards d'euros !

Edito paru sur le site du Cercle des européens


Noëlle Lenoir est Présidente du Cercle des Européens et ancienne Ministre aux Affaires européennes 
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http://www.ceuropeens.org


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