par Baudouin Bollaert, le mercredi 23 février 2011

"Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt" : ce proverbe de Confucius me revient en mémoire alors que, de la Tunisie à l'Egypte, en passant par Bahrein ou la Libye, la révolte populaire gronde dans les pays du pourtour méditerranéen…


Belle occasion pour Catherine Ashton, la "ministre des Affaires étrangères" de l'Union européenne, de montrer enfin qu'elle existe, elle qui est en poste depuis novembre 2009 !

La baronne a pris son bâton de pèlerin pour parcourir la région et, de passage en Tunisie, elle a déjà annoncé une aide de 258 millions d'euros jusqu'en 2013 à ce pays maghrébin toujours à la recherche d'un successeur à Ben Ali.

Aurait-elle dû agir plus rapidement, prendre davantage de liberté par rapport aux vingt-sept Etats membres, parler d'une voix plus audible ? Toutes ces questions ont été posées et se posent encore…

A la tête d'un service diplomatique dont le Français Pierre Vimont est la tour de contrôle, Catherine Ashton sait que chacun de ses gestes est épié et commenté. Elle peine depuis quinze mois à opposer un démenti crédible à tous ceux qui pointent du doigt son inexpérience et ne distinguent derrière sa nomination qu'un refus de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni de voir émerger une diplomatie européenne forte et indépendante.

"Ashton a fait le choix d'être la secrétaire générale des Vingt-Sept," déplore Daniel Cohn-Bendit, le coprésident du groupe des Verts au Parlement européen. La politique étrangère européenne ne peut être la somme des diplomaties nationales, sinon c'est le plus petit dénominateur commun."

Catherine Ashton s'inscrit en faux contre cette théorie du plus petit dénominateur. "Je sais bien que cette vision est encore répandue dans certains esprits," confie-t-elle dans un entretien à la revue Politique Internationale (N°128). "Mais il faut regarder la réalité. Quel Etat membre n'a pas intérêt à ce que les efforts de paix au Proche-Orient aboutissent ? Quel Etat membre n'a pas intérêt à entretenir une relation de confiance avec ce grand voisin qu'est la Russie ? Et lequel de ces deux dossiers pourrait sérieusement être géré de façon « molle et sans aspérités"" ?

La baronne s'efforce toujours d'agir selon trois paramètres : l'intérêt général européen, l'accord des ministres des Affaires étrangères de l'Union et les besoins des pays tiers qui la sollicitent. Et elle entend dissiper quelques "idées reçues". Si sur certains dossiers, admet-elle, les Chinois, les Américains ou les Russes continuent de téléphoner directement à Paris, Londres ou Berlin, il leur arrive aussi de "privilégier un seul appel, à Bruxelles, pour faire l'économie de vingt-sept démarches."

Mme Ashton se justifie et défend son pré-carré. Elle est dans son rôle. Mais ses marges de manœuvre sont incontestablement étroites. Même le président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, s'en est plaint récemment devant les eurodéputés.

En fait, les titres ronflant dont s'honorent la baronne – Haute Représentante de l'Union européenne aux Affaires étrangères et à la politique de sécurité, vice-présidente de la Commission européenne – ne sont qu'une sorte de cache-misère.

Les talents personnels de l'intéressée ne sont pas en cause. Sa pusillanimité n'est que le reflet des hésitations, doutes, gaffes et incertitudes qui caractérisent la diplomatie des grandes capitales européennes face aux bouleversements géopolitiques en cours.

Par cynisme, les dirigeants de Paris, Londres et Berlin avaient cherché à nommer à la tête du "Service européen d'action extérieure" la personnalité la plus falote possible pour ne pas faire d'ombre au Quai d'Orsay, au Foreign office et à l'Auswaertiges Amt… Savaient-ils qu'elle les renverrait à leurs propres insuffisances ?



Baoudouin esr Professeur à l'Institut catholique de Paris et ancien rédacteur-en-chef au Figaro.  

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