Les évènements majeurs qui viennent de se dérouler en Tunisie, en Egypte puis maintenant en Libye, constituent incontestablement un moment majeur de l'histoire mondiale. Voici des peuples opprimés par tant d'années de misère, de soumission et de dictature qui décident eux-mêmes de se libérer du joug dans lequel leurs dirigeants les avaient enfermés depuis des années.
Regarder l'avenir sans oublier les erreurs d'appréciation
Il est symptomatique que les gouvernements occidentaux n'aient pas vu le vent révolutionnaire souffler sur les bords de la Méditerranée. Pour autant, devra-t-on le leur reprocher encore pendant des mois alors que l'urgence est ailleurs ? Cela sera, à n'en pas douter, un sujet passionnant pour les historiens, de la même façon que François Mitterrand n'avaient pas vu venir la réunification allemande et qu'au moment même où tout s'écroulait, il rendait encore une visite au crypto-dirigeant est allemand au mois de décembre 1989 alors que Berlin était, une fois de plus, devenue un théâtre d'ombres
C'est un peu la même chose qui s'est produite pour le Maghreb ; mais encore une fois, il est urgent de passer à autre chose.
Le nouveau Maghreb en formation a démontré, sans pour autant y voir la renaissance d'une sorte de panarabisme qui irait du Proche-Orient au Maroc, qu'il existait une culture commune dans cette partie du monde, avec une montée en puissance de la jeunesse et avec elle, une soif de justice sociale et de démocratie.
Changer de diplomatie
Il est désormais évident qu'il ne sera plus possible de développer une politique étrangère identique à celle qui a guidé les pays occidentaux et particulièrement européens depuis les guerres d'indépendance.
Les nouveaux gouvernements qui vont se mettre en place vont avoir le redoutable défi de répondre à toutes ces préoccupations : le partage équitable des richesses et des ressources, la mise en place d'institutions démocratiques, notamment sur le plan de la gouvernance.
Il s'agit à n'en pas douter d'un véritable défi pour les diplomaties occidentales et tout particulièrement européennes.
L'union européenne va devoir repenser sa stratégie de coopération avec ces pays afin de mettre en place des instruments pertinents de coopération ainsi que des moyens financiers bien plus importants.
Après des années de dictature, le risque est que ces pays connaissent une vague de troubles qui pourraient à terme conduire à installer de nouveau des régimes forts.
Une nouvelle politique de coopération
Ainsi, l'Union européenne doit-elle absolument, en coopération avec les Etats membres, envisager avec les nouveaux gouvernements qui seront, espérons-le, issu d'élections démocratiques, une politique de coopération avec l'envoi d'experts pour mettre en lace les nouvelles institutions démocratiques dans tous les domaines de la vie politique : de la commune à l'Etat en passant par le corps législatif, la mise en place d'un justice indépendante et l'instauration de cours constitutionnels chargées de protéger les droits de l'homme qui ont été quarante ans durant si mal traités.
L'Union européenne doit aussi afficher un nouveau visage d'une politique migratoire qui ne se cantonne pas au rejet ou la peur de l'autre, mais sache aussi initier de véritables politiques d'intégration pour les communautés présentes sur le sol européen en lien avec les Etats membres.
Rétablir la confiance prendra du temps, mais c'est dès maintenant qu'il faut y réfléchir au plus haut niveau. Voici une tâche majeure qui devrait permettre au nouveau service diplomatique dirigé par Catherine Ashton de s'affirmer sur la scène internationale.
Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes.