par Patrick Martin-Genier, le lundi 21 mars 2011

La facilité avec laquelle le conseil de sécurité a décidé cette semaine du principe de frappes aériennes en Libye contraste avec les difficultés de l'Union européenne à se mettre d'accord sur une position commune.




Le rôle décisif de la France

Ce vote n'était pas acquis d'avance car on connaissait la réticence de deux membres permanents du conseil à savoir la Chine et la Russie. En s'abstenant et en n'opposant pas leur veto, ces deux pays ont permis à la résolution d'être votée et ouvrir ainsi la vois aux frappes aériennes au-dessus de la Libye.


À cet égard, il convient de saluer le rôle d'Alain Juppé qui a enfin pu retrouver ici pleinement son rôle de ministre des affaires étrangères ayant oeuvré efficacement en faveur du vote de cette résolution. Le président de la République comptait sur lui et il a eu raison.

Fort de ce succès, le ministre s'exprimait immédiatement après le vote de cette résolution en direct devant les chaînes de télévision du monde entier, notamment Sky news, lorsqu'il fut "coupé" en raison de l'intervention du président Obama en personne depuis le perron de la Maison-Blanche ; pas de chance…Les périodes de guerre sont aussi des moments intenses de communication !

Mais le résultat était là. On aurait pu craindre que l'ONU sombre dans le syndrome de la Société des Nations qui était morte d'avoir pu faire quoi que ce soit pour contrer les guerres et la montée des totalitarismes. Ce ne fut pas le cas.


La crédibilité de l'Onu, la faiblesse de l'Europe


Si la Chine et la Russie se sont abstenues, elles n'en ont pas moins permis la mise en branle de l'action militaire même si aujourd'hui, l'une et l'autre regrettent l'intervention militaire intervenue dans la foulée du sommet de Paris.

En faisant preuve d'une réelle efficacité, l'ONU a vu sa crédibilité renforcée. Tel n'est pas le cas de l'Union européenne qui n'avait pas su, lors du dernier conseil européen de Bruxelles, se mettre d'accord sur les modalités d'intervention. C'est une nouvelle pierre jetée dans le jardin de l'Union européenne au moment où celle-ci met en place une diplomatie commune.


En faisant preuve de frilosité, l'Europe a laissé libre champ à l'action franco-britannique qui a constitué en quelque sorte le fer de lance de l'action en cours en Libye.


L'Allemagne s'est montrée réservée du début jusqu'à la fin et la chancelière a manifesté son opposition à toute intervention militaire. Cette prudence se comprend à plusieurs égards et il conviendra de faire rapidement un bilan de cette intervention.


Ne pas « déborder » de la résolution


Logiquement, la résolution du conseil de sécurité a pour objectif de contrer les forces militaires de Kadhafi utilisées contre des civils désarmés. Néanmoins, sous-jacent à l'offensive militaire commune, l'objectif est bel et bien d'aboutir à la chute du colonel Kadhafi, si l'on en croit le bombardement, par l'aviation américaine, de la caserne abritant le QG de Kadhafi à Tripoli….

Le Premier ministre britannique Cameron a quant à lui affirmé que l'intervention de la coalition était parfaitement légale et justifiée. Certes, mais le risque néanmoins, comme l'ont soulevé certains responsables politiques, est de s'enliser dans un conflit qui pourrait aboutir à de nombreux morts, notamment civils, sans que le régime chute…Il ne faudrait pas reproduire le précédent des frappes aériennes de l'administration Reagan qui avaient en fin de compte abouti à renforcer l'adhésion autour du dictateur libyen…

Bien que l'on ne connaisse pas l'état des forces, le colonel Kadhafi et son clan ont montré qu'ils disposaient de ressorts insoupçonnés. La prudence est donc de mise, et il convient de faire preuve de la plus grande vigilance s'agissant de la menace formulée par Kadhafi de transformer la mer Méditerranée en vaste champ de bataille…






Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes.


Organisations en lien avec Fenêtre sur l'Europe :