par Patrick Martin-Genier, le jeudi 21 avril 2011

L'Italie est aujourd'hui à la peine. Son président du conseil suscite l'ire de l'ensemble de la classe politique mais aussi du Vatican en raison des ses frasques sexuelles et les procès qui l'attendent dans les mois qui viennent. Comment est-il possible de gouverner ainsi lorsque l'on doit répondre non seulement de son comportement personnel, mais aussi de soupçons de fraude fiscale et de corruption susceptibles d'entraîner de longues procédures devant les tribunaux ?




L'Italie fête les 150 ans de l'unité italienne


La tâche est déjà en soi difficile. Pour autant, l'Italie fête cette année les 150 ans de l'unité italienne et le visage qu'offre Silvio Berlusconi n'est pas celle de l'Italie dans sa globalité. L'Italie, malgré ses antagonismes, est un pays modèle à bien des égards. Il y a en effet à peine 150 ans, l'italien n'était pas la langue la plus parlée en Italie où l'on parlait essentiellement les dialectes et le patois. Aujourd'hui, elle est une grande puissance industrielle et a su faire face à ses formidables antagonismes dont certains partis extrêmes essayent d'exploiter les failles, Ainsi la Ligue du Nord d'Umberto Bossi qui n'est pas loin de véhiculer des idées xénophobes et qui diffuse toujours la réputation d'un Mezzo Giorno faible et fainéant, alors que l'Italie du sud est aussi capable de faire aussi bien que l'Italie du nord en termes de recherches par exemple et ce malgré les difficultés endémiques liées à la Mafia et l'Omerta, contre lesquelles la police italienne lutte avec courage et persévérance.

La France aussi est imprégnée de culture latine, venant certes de la Rome antique, mais aussi de tous ces Italiens qui ont immigré en France, au début du siècle puis dans les années 1920 et après la guerre. Ces Italiens se sont parfaitement intégrés en France et cela devrait nous inciter à relativiser la peur de l'autre. Être immigré italien était un statut difficile et ils étaient alors, peu ou prou, comme nos sans papiers d'aujourd'hui.

Pour une réponse européenne aux flux migratoires

C'est pourquoi les difficultés que rencontre aujourd'hui l'Italie dans le traitement des flux migratoires devraient entraîner de notre part une solidarité sans faille. Comment un seul pays, au prétexte qu'il est le pays frontalier avec les pays du Maghreb, pourrait-il faire face à cet énorme afflux d'immigrants illégaux que tant la Tunisie que la Libye, notamment, n'ont plus ni la volonté ni les moyens de stopper.

Il est ainsi scandaleux d'avoir laissé l'île de Lampedusa, située à seulement 120 kilomètres des côtes libyennes, « gérer » seule l'arrivée des milliers d'immigrants d'Afrique noire et d'Afrique du Nord.

On critique le gouvernement italien pour avoir délivré des titres de séjour temporaire à ces immigrés pour faire jouer le regroupement familial. Mais, face à l'absence totale de l'Europe dans cette situation, que pouvait faire ce pays.

L'Europe aux abonnés absents

L'Europe a en effet été aux abonnés absents dans ce dossier. Qu'a fait Mme Ashton, qu'a dit Herman Van Rompuy ? Rien. Le seul personnage politique que l'on ait entendu a été le ministre français de l'intérieur Claude Guéant qui a été immédiatement conscient des risques de ne pas répondre à cette situation, même si ses dires n'ont pas fait l'unanimité.

Il n'est plus possible de laisser une telle situation soit perdurer soit se reproduire.

L'Europe pourrait ainsi, dans l'urgence, créer, aux côtés su nouveau service d'action extérieure, une force d'interposition ou une mission humanitaire qui seraient constituées de casques blancs ou d'une flotte humanitaire destinée à recueillir dignement les centaines de personnes qui traversent la Méditerranée et les sauver d'une mort parfois certaine.

L'Union européenne pourrait aussi créer des centres d'accueil où des fonctionnaires européens et nationaux seraient chargés d'examiner les deamndes ( immigration économique, regroupement familial ou statut de réfugié) avant que les autorités puis les tribunaux prennent des décisions.

De tout cela rien ne s'est produit. C'est bien dommage car l'image de l'Europe dans le monde risque de s'en trouver durablement écornée.

Il y a matière à réfléchir et agir vite !


Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes.

Organisations en lien avec Fenêtre sur l'Europe :