L'Europe doit s'engager dans la voie de la coopération et du partage du développement. C'est un défi pour nous-mêmes et pour l'humanité. Les événements au Japon, en Afrique, ou plus près de nous, en Bosnie-Herzégovine ou dans le monde arabe nous interpellent. Que voulons-nous faire ensemble et que pouvons-nous faire ?
Le monde est un village, nous a dit Edgar Morin. La violence là-bas est porteuse de violences ici, et les catastrophes naturelles ont des conséquences partout. C'est toute la société qui risque d'exploser si nous ne maîtrisons pas les conflits, et si nous ne savons pas faire face aux séismes qui frappent des régions entières et les populations...
Comment retourner la violence en partage ? s'interroge Philippe Herzog dans un débat avec Paul Dumouchel, reproduit dans La Revue.
Les deux hommes nous invitent à repenser nos relations, nous tourner vers autrui et développer de nouvelles solidarités.
Une révolution culturelle quand nous faisons preuve de tant d'indifférence, et de réactions de repli et de protection contre le mal « venu d'ailleurs ». N'est-ce pas notre monde occidental qui a exporté ses modèles de gestion, de production et de consommation, porteurs de progrès certes, mais aussi de violences et de destructions ? La crise économique globale nous rappelle notre part de responsabilité, et ce n'est certainement pas en nous protégeant que nous participerons à sa résolution. L'enfermement sur nous-mêmes ne nous sauvera pas quand il s'agit d'inventer « l'être ensemble » au niveau mondial.
Le Japon et les Japonais forcent notre admiration, eux qui font preuve d'une telle humanité les uns vis-à-vis des autres. D'où leur vient-elle ? De leurs traditions culturelles ? Nous ne les connaissons pas, et il serait trop facile de se rassurer à bon compte. Le Japon et les Japonais ont besoin de solidarités humaines et productives pour surmonter le malheur qui les touche et pour sortir d'une crise économique et politique qui n'en finit pas. Que va faire l'Europe ? Plus préoccupés par le risque d'une catastrophe nucléaire, les Européens ont relancé le débat sur l'avenir de l'atome dans chacun de leur pays.
L'Europe devra s'impliquer pour faire de la sûreté un bien public mondial, ce qui va supposer beaucoup de coopérations entre les grandes régions du monde, entre les États et entre les entreprises pour partager des normes de sûreté les plus élevées et leurs coûts pour préserver l'accessibilité de tous à l'électricité. Mais l'Union européenne n'a toujours pas de politique énergétique commune, et ne parle pas encore d'une seule voix sur la scène internationale.
Elle vient de se doter d'un service extérieur commun dirigé par Mme Ashton, qui a bien du mal à s'affirmer dans l'aide et la coopération ! Les défis sont énormes, comme en Afrique où l'échec des relations politico-économiques et des accords de partenariat est patent. C'est la Chine qui investit massivement, sans toutefois se soucier de la nature des États.
Puissent les pays d'Afrique être influencés par le réveil démocratique des pays arabes !
Prise de court par les révolutions du monde arabe, l'Europe exprime sa préoccupation de l'immigration. Mais comment pense-t-elle ses relations avec les peuples que nous ne connaissons plus ! Doit-on relancer l'Union pour la Méditerranée ? Certes, l'UpM a beaucoup de défauts, comme le rappelle Jean-Louis Guigou dans nos colonnes, mais soit on met en place de vraies coopérations, soit les pays méditerranéens se tourneront vers d'autres pays du Sud, l'Asie ou le Brésil... On ne peut plus faire semblant, et préserver un type de relations dépassé avec des dirigeants désavoués, comme en Libye ou en Égypte. Il faut maintenant travailler avec les sociétés sur des projets partagés, en commençant par les liens éducation-emploi avec la jeunesse. Espérons que le modèle de changement pacifique soit porteur aussi pour les peuples palestinien et israélien qui ont trop délégué à la communauté internationale le règlement du conflit qui continue de miner les relations entre les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée...
Aujourd'hui, l'Europe est toujours une question de paix, de réconciliation et d'ouverture aux autres. L'arrestation à Vienne de Jovan Divjak, combattant de la paix et apôtre d'une Bosnie-Herzégovine multi-ethnique, prouve que la réunification de notre Europe est inachevée. Les Balkans occidentaux sont encore dehors, et les négociations pour leur adhésion restent l'affaire des institutions. L'Union européenne n'a jamais engagé le travail d'appropriation de nos histoires croisées et, pire, a pu entériner les accords de Dayton-Paris qui ont empêché la réconciliation. La Bosnie-Herzégovine, victime d'une guerre d'épuration ethnique puis d'une partition, attend de nous qu'on lève le tabou sur les crimes de la Serbie de Milosevic, et qu'on assume notre devoir de solidarité en oeuvrant au développement d'un marché régional et aux coopérations avec les sociétés, redonnant espoir à la perspective de leur adhésion.
La majorité des États de l'Union européenne se sont engagés autour d'un Pacte pour l'euro. Nous le soutenons comme un pas en avant vers l'Union économique, avec la création institutionnelle pour la stabilité financière et la volonté de la convergence face à l'impératif de compétitivité. Mais il suscite beaucoup d'interrogations, et son appropriation par les citoyens et les acteurs de nos sociétés civiles va impliquer un dialogue social et civique intense. Nous l'avons ouvert de façon informelle lors de notre Assemblée générale avec nos amis allemands, italiens, anglais et polonais, et le poursuivons ici dans le dossier de La Revue. Avec ses partenaires, Bertelsmann Stiftung et la Fondation Astrid, Confrontations Europe le développera dans la préparation et l'organisation des Entretiens Économiques Européens 2011 : nous nous interrogerons sur les conditions de notre compétitivité, et sur les nouvelles solidarités à bâtir, deux défis à relever pour la nouvelle économie sociale de marché en Europe.
Extrait de la Revue Confrontation n°94
Claude Fischer, est Présidente, Confrontations Europe
http://www.confrontations-europe.org
