Thomas Cassuto, de la direction générale de la justice de la commission européenne, présentait cette semaine à Paris l'arsenal législatif en cours de préparation pour renforcer la lutte contre toutes les formes de violences, des actes de terrorisme aux incivilités les plus classiques mais qui ne doivent pas être banalisées.
Un nombre très importants de victimes
Selon les chiffres fournis par la commission européenne, on recense environ 75 millions de victimes de graves infractions dans l'Union européenne par an, mais seulement 30 millions d'entre elles sont dénoncées. Cela fait 225 millions de victimes indirectes si l'on compte les proches.
C'est pourquoi la commission a décidé d'intervenir et de faire jouer son pouvoir d'initiative en la matière.
Une proposition de directive a donc été déposée laquelle s'inscrit dans un train de mesures législatives dont l'objet est de renforcer les droits des victimes dans l'Union européenne, qui inclut en outre deux autres mesures : une communication de la commission intitulée "renforcer les droits des victimes" ainsi qu'une proposition de règlement relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures protection en matière civile.
Des progrès insuffisants
Rappelons que si en ce qui concerne les droits des victimes dans les procédures pénales, l'Union a déjà pris des mesures au moyen de la décision cadre 2001/220/JAI du Conseil du 15 mars 2001 et si des progrès sont intervenus, la commission dresse le constat de ce que les objectifs de cette décision cadre ne sont pas pleinement atteints.
Dans une résolution du 7 mai 2009, le Parlement européen avait aussi exhorté le conseil européen à adopter un cadre juridique complet offrant aux victimes d'infractions pénales la protection la plus large.
C'est donc dans cette perspective que s'inscrit aujourd'hui l'action de la commission européenne et il convient de s'en féliciter alors que le reproche lui a été fait de ne pas agir avec suffisamment de lisibilité dans ses domaines de compétence.
Accompagner les victimes
L'objectif est clairement de pouvoir identifier correctement les besoins des victimes, de prendre en compte l'aspect psychologique des souffrances endurées et apporter aux victimes et à leurs familles à la fois un soutien psychologique et pratique pour les accompagner dans les procédures.
Ces personnes doivent pouvoir disposer de structures spécifiques et tout doit être fait pour leur faciliter l'accès à la justice.
Il faut aussi, autant que faire se peut, rapprocher les modes d'indemnisation des victimes qui ne sont pas les mêmes selon les Etats membres.
L'idée est que les droits acquis sur le plan juridictionnel dans un Etat membre puissent être pleinement protégés dans un autre Etat membre qui doit pouvoir appliquer une décision de justice sans passer par la procédure de l'exequatur (prendre une nouvelle décision de justice pour donner à la décision de justice d'un autre Etat membre force exécutoire).
Des questions en suspens
Les nombreuses associations présentes, dont l'association française des victimes du terrorisme, ont apprécié cette nouvelle action de la commission européenne et ont salué les avancées que ces nouvelles dispositions vont permettre de réaliser.
Néanmoins, des questions restent en suspens, telle l'indemnisation des victimes.
Ainsi par exemple, la notion de préjudice moral n'existe pas en Allemagne. En Italie, les victimes seraient bien mieux indemnisées que dans certains autres pays de l'Union européenne pour les mêmes accidents.
Le parlement européen devra sur ce point proposer des amendements pertinents sur le texte proposé par la commission européenne et les ministres nationaux devront aussi faire preuve de vigilance.
Un point aussi sera essentiel : quid des moyens matériels, humains et financiers qui seront dédiés à ce nouveau paquet législatif alors même que chacun des Etats membres sera chargé de le mettre en uvre « sur le terrain » ?...
Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à Sciences-Po Paris, spécialiste des questions européennes, membre de Team Europe-France