par Bruno Vever, le samedi 18 juin 2011

Un débat clé s'est engagé depuis plusieurs mois : le réexamen des moyens budgétaires de l'Europe d'ici à 2020. Pour d'obscures raisons, les médias ne s'y intéressent guère. C'est pourtant l'avenir des Européens qui va être engagé pour toute la décennie et même très au-delà !


Pour leur part, les Etats se gardent bien de solliciter ou d'encourager un débat public. Ceci n'empêche nullement certains d'entre eux, et non des moindres, de préciser par avance leur positionnement, avec hélas une ouverture d'esprit et une vision solidaire de l'avenir aussi inexistantes que la consultation de leurs citoyens et même de leurs parlements !

Tels est le cas de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne dont les dirigeants ont fait lettre commune, avec l'appoint des Pays-Bas et de la Finlande, pour exprimer à la Commission leur volonté de geler le budget européen d'ici 2020, en raison des programmes d'austérité imposés à leurs propres budgets nationaux.

A y regarder de près, les raisons exprimées par ces Etats heurtent le sens commun. Tel est l'avertissement que vient de lancer avec vigueur le Comité économique et social européen dans son avis (rapporteur Henri Malosse président du groupe des employeurs, corapporteur Gérard Dantin du groupe des travailleurs) adopté le 16 juin 2011 à l'unanimité moins deux voix.

Pour le Comité économique et social, seule une agrégation intelligente entre moyens nationaux et européens permettrait, en réalisant des économies d'échelle, d'obtenir un véritable effet de levier pour relancer l'activité et l'emploi tout en réduisant les déficits des budgets nationaux, ce qui créerait et entretiendrait un cercle économique et budgétaire vertueux. Les constats du Comité sont sans ambigüités :

· l'Union européenne ne dispose pas aujourd'hui des moyens de mettre en œuvre ni sa stratégie politique, ni ses engagements qui découlent du nouveau traité de Lisbonne : son budget ne doit pas être victime des répercussions de la crise, mais au contraire renforcé pour y faire face ensemble, tout en tenant compte bien sûr des impératifs redoublés de bonne gestion, de transparence et de maîtrise des dépenses administratives ;

· tout concept de « juste retour » - c'est-à-dire de refinancements proportionnels aux contributions nationales - doit être écarté car il est contraire aux valeurs de solidarité et de bénéfice mutuel de l'intégration européenne : il est urgent d'appliquer la subsidiarité comme la situation le commande, c'est-à-dire en transférant au niveau européen ce qui a perdu son sens et son efficacité sur le plan national ;

· les contributions nationales qui financent à ce jour la plus grande part du budget européen doivent être désormais remplacées par des ressources propres autonomes, sans alourdissement global de la charge fiscale ;

· une priorité doit être l'affirmation de véritables services d'intérêt général à l'échelle européenne, en complémentarité avec les administrations nationales et en partenariat avec les usagers européens, pour renforcer l'organisation et l'efficacité de l'Union dans les nombreux domaines relevant de sa responsabilité collective : politique étrangère et de sécurité commune, douanes, immigration, ciel unique européen, énergie, environnement, etc. ;

· il est également urgent de relancer l'union économique qui est restée à la traîne sur l'union monétaire, fragilisant celle-ci : il n'y a aucune perspective de réussite pour la stratégie Europe 2020 si ce décalage n'est pas résorbé ;

· il faut notamment renforcer notre compétitivité en développant une intégration européenne des programmes nationaux de recherche, en faisant émerger parmi les entreprises des « champions européens » en lieu et place des champions nationaux, et en développant des réseaux transeuropéens innovants, tout en s'appuyant aussi sur des modes d'intervention mieux diversifiés – prêts, partenariats public-privé, euro-obligations - ;

· le seul moyen pour réussir ce pari d'un budget européen rééquilibré et ambitieux est de gagner la bataille de l'opinion en mettant en lumière les incohérences et les doubles emplois dans les budgets nationaux qui pénalisent notre efficacité commune et alourdissent la charge des contribuables : le Comité économique et social appuie l'initiative du Parlement européen pour actualiser l'évaluation du coût de la non-Europe et y apportera sa contribution.

Au moment où la Commission paraît trop souvent chanceler sous la pression des égoïsmes d'Etats, notamment des plus puissants d'entre eux, il est réconfortant de constater que l'esprit communautaire et une vision claire de notre avenir commun dans la mondialisation n'ont pas encore déserté toutes les instances communautaires. L'avis du Comité économique et social n'est d'ailleurs pas isolé, le Comité des régions ayant lui-même adopté un avis très convergent.

Il reste à espérer que le Parlement européen, et toutes les volontés éclairées au Conseil et à la Commission, pèseront de tout leur poids pour contrer la pente fatale des égoïsmes nationaux et retrouver ce « sens commun », dans tous les sens du terme, que la crise semble avoir trop raréfié dans les hautes sphères des chancelleries européennes.


Bruno VEVER est secrétaire général d'Europe et Entreprises

http://europe-entreprises.org

Organisations en lien avec Fenêtre sur l'Europe :