Bien que les quelques mois qui restent à courir d'ici à l'élection présidentielle de 2012 seront incontestablement utiles, l'heure du bilan va bientôt sonner pour Nicolas Sarkozy. Il en ira ainsi notamment de la politique européenne de la France.
De nombreuses crises mettant en danger la cohésion européenne
Ce serait faire preuve de mauvaise foi que de dire que le chef de l'Etat n'a pas utilisé tous les leviers dont il pouvait disposer pour défendre les intérêts de la France en Europe et dans le monde. Alors qu'il venait d'arriver aux responsabilités et exerçait depuis le 1er janvier 2008 la présidence de l'Union européenne, devait lancer une initiative diplomatique à l'occasion de la crise en Ossétie du Sud.
L'action de Nicolas Sarkozy fut accueillie plutôt favorablement par ses partenaires. L'exercice des responsabilités européennes a ainsi constitué pour le chef de l'Etat un formidable atout tant pour relayer l'action extérieure de la France et défendre ses intérêts que pour prendre de la hauteur et lui conférer, comme ce fut le cas pour François Mitterrand et Jacques Chirac, une stature internationale.
L'activisme européen du chef de l'Etat n'a en outre pas connu de répit avec la crise financière de l'automne 2008, qui a constitué une onde de choc faisant subir ses conséquences jusqu'à aujourd'hui. La crise financière et la quasi-cessation de paiement de certains pays membres de la zone euro comme la Grèce en 2009 a mis les Etats membres au pied du mur et contraint les principales puissances européennes, en concertation avec le fonds monétaire international, à créer des mécanismes de sauvegarde et venir en aide à ce pays notamment de façon à éviter l'implosion de la zone euro mais aussi la fin de toute perspective de développement de la construction européenne.
L'action décisive du couple franco-allemand
L'action conjointe de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel, la chancelière allemande, a été sur ce point déterminante, malgré les atermoiements suscités une fois de plus par les initiatives du couple franco-allemand. La chancelière elle-même a dû batailler ferme dans son pays pour convaincre ses partenaires politiques et le Bundestag de ne pas laisser sur la route un pays dit du « club Med ». La contrepartie a été une cure d'austérité sans précédent dont la Grèce n'a probablement encore pas mesuré toute l'ampleur dès lors qu'un nouveau train de mesures devrait être proposé pour tenir les engagements nécessaires au redressement de ce pays. L'idée d'une restructuration de la dette de la Grèce, pour l'instant fermement rejetée, devrait se poser un jour ou l'autre.
Les citoyens européens, qui ne remettent pas pour autant en cause la construction européenne, ont été amenés à douter de la signification politique de l'Europe : son aspect économique et mercantile est ainsi apparu comme surdimensionné alors que l'Europe sociale en est encore à ses balbutiements, ce qui explique la colère des peuples européens qui s'est traduit et continuera à se traduire dans les urnes notamment, pour ne pas parler du mouvement dit des « Indignés »
Enfin politiquement, l'Europe a dû s'adapter à une nouvelle donne issue du traité de Lisbonne. Une présidence permanente de l'Union européenne a été créée, confiée à Herman van Rompuy dont le charisme n'apparaît pas comme une évidence, même si chacun loue ses grandes qualités de dialogue. La commission européenne a dans le même temps subi une réelle diminution d'influence que son président, José Manuel Barroso n'a pas su contrecarrer efficacement. Enfin le nouveau service d'action extérieure, confiée à la Britannique Catherine Ahston, elle-même sans grande expérience, n'a pas encore su démontrer, à ce jour, sa viabilité. En réalité, on ne sait plus trop qui représente l'Europe à l'extérieur ce qui constitue un vrai handicap.
Un regain de l'intergouvernemental
En fin de compte, tout le monde s'accorde pour dire que les cinq années qui viennent de s'écouler ont été marquées par un regain de l'intergouvernemental au détriment de l'intégration fonctionnelle, alors même qu'il n'est contesté par personne que la façon la plus efficace de lutter contre la crise financière et économique réside dans une intégration renforcée.
C'est pourquoi, que Nicolas Sarkozy soit réélu en 2012 ou qu'un président -ou une présidente- issu du parti socialiste soit élu, de nouveaux défis s'imposeront immédiatement. Si la question de savoir s'il existe encore une place pour un grand projet européen se pose, il est clair que si l'Europe veut continuer à avancer elle ne peut plus se permettre de seulement « digérer » les réformes et les évènements des années antérieures.
Elle doit aussi montrer qu'elle dispose encore des ressorts d'une action à la fois ambitieuse et plus proche des citoyens, notamment dans le domaine social et de la protection de ses industries, mais aussi sur le plan de sa crédibilité sur la scène mondiale.
L'avenir de la construction européenne est en cause et l'élection présidentielle de 2012 devrait être l'occasion, pour les principaux candidats, de définir le contour de leurs ambitions en faveur de l'Europe.
Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes