par Jean-Guy Giraud, le vendredi 08 juillet 2011

Dans le cadre de sa "Campagne pour les États-Unis d'Europe" destinée à ranimer le processus d'intégration européenne avant l'échéance de 2014, l'Union des Fédéralistes Européens-France a adressé, aux eurodéputés français une série de lettres ouvertes portant sur différents sujets majeurs d'actualité, lettres assorties de propositions concrètes d'action destinées principalement au Parlement Européen en sa qualité de Co-législateur.

L'Union des Fédéraliste Européens de France vient de présenter une 7ème lettre ouverte intitulée "Le droit des Européens à la sécurité nucléaire"


UN CONSTAT


1. La catastrophe nucléaire de Fukushima a, de façon spectaculaire montré la vulnérabilité des centrales atomiques et rappelé que l'accident nucléaire figurait bien parmi les risques industriels majeurs du XXIème siècle - notamment pour l'UE où 143 réacteurs sont en activité dans 13 de ses États membres (dont 58 en France) et le resteront, en tout ou partie, pour au moins une génération.

2. Cette catastrophe a été aussi l'occasion de révéler au grand jour que, plus de 50 ans après l'entrée en vigueur du Traité Euratom, l'UE ne dispose toujours pas d'une véritable politique commune en matière de sécurité nucléaire.

En l'absence de dispositions expresses dans le Traité Euratom, il a fallu attendre un arrêt de la Cour de justice en 2002 pour imposer la compétence de l'UE dans ce domaine et permettre l'adoption de la directive européenne de 2009 dont la transposition est en cours.

3. Cette directive - qualifiée de texte "a minima" par de nombreux observateurs - se limite pour l'essentiel à reprendre les principes de la Convention sur la sécurité nucléaire de l' Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) auxquels elle confère pour les États membres un caractère obligatoire - notamment quant à l'examen décennal "par les pairs" des systèmes nationaux de sécurité

4. En pratique l'essentiel de la coopération des États membres concernés de l'UE s'effectue sur une base intergouvernementale au sein de l'AIEA - mais aussi de deux organes ouest-européens de caractère technique (la "Western european nuclear reactors agency") ou de conseil politique (le "European nuclear safety regulation group").

5. Tant la directive européenne de 2009 que les modalités d'action de ces organes intergouvernementaux reposent sur le principe de l'autonomie des gouvernements et des autorités nationales compétentes et sur le caractère volontaire et indépendant des mesures prises et des contrôles effectués par ceux-ci ; en d'autres termes, les États concernés de l'UE - s'ils ont consenti à harmoniser leurs objectifs de sécurité et à accroître leur coopération et leurs échanges ("peer review") - refusent de se voir imposer des normes contraignantes ou des contrôles "extérieurs" (voir le rapport d'information de la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale du 25 mai 2011).

6. Suite à la catastrophe de Fukushima, les États membres concernés de l'UE ont d'autre part décidé - à la demande pressante de la Commission - de mener d'ici à la fin 2011 une série de "stress-tests" pour analyser la résistance de leurs installations à certains types de risques naturels majeurs (inondation, sécheresse, tremblement de terre ...) - mais ont exclu la prise en compte de risques humains ou d'actions terroristes ("cyber-attacks" et plane-crashes") .

Ils ont également décidé que ces tests seraient dirigés par les autorités nationales "en coopération" avec les autorités des autres États membres et de la Commission mais que l'analyse des résultats et des suites à donner resteraient sous responsabilité nationale.


UNE POSITION


7. L'UEF France estime que le système actuel de coopération intergouvernementale en matière de sécurité nucléaire dans l'UE n'est pas adapté à la nature et à la gravité du risque encouru par 500 millions de citoyens européens, qu'il n'assure pas leur droit à la sécurité nucléaire et que le moment est venu de communautariser la gestion de ce risque dans un cadre institutionnel et réglementaire contraignant.

8. Cette communautarisation (envisagée mais finalement refusée lors de l'élaboration du traité de Lisbonne) implique une révision du traité Euratom - ainsi que plusieurs États membres (dont l'Allemagne) l'ont à l'époque officiellement demandé (cf. déclaration n°54 annexée au Traité de Lisbonne)- et ainsi que le Parlement européen le propose à nouveau dans sa résolution du 6 avril 2011.

9. La révision du Traité Euratom devrait confier aux Institutions les compétences nécessaires pour réglementer et contrôler l'ensemble de la filière du risque nucléaire : normes de sécurité, tests de résistance, contrôles périodiques, ouvertures et fermetures de centrales (en fonction du risque encouru), responsabilité civile et assurances, réparation des dommages, …

La création d'une "Autorité européenne de sécurité nucléaire", placée auprès de la Commission, devrait être prévue; en application du principe de subsidiarité, cette Autorité devrait coopérer avec les organes techniques nationaux qui resteraient chargés de la gestion quotidienne du risque et de la responsabilité de première ligne.

10. Dans l'immédiat, un renforcement de la directive de 2009 permettrait d'améliorer le dispositif réglementaire actuel. De même, les enseignements de la première série de stress tests nucléaires en cours devraient être rapidement pris en compte, notamment quant à la dimension des "risques humains" et la participation d'experts indépendants.

Enfin, une communautarisation de l'action internationale des États membres - notamment au sein de l'AIEA - permettrait à l'UE d'influencer plus efficacement la réglementation applicable aussi aux autres grandes puissances nucléaires telles que les USA, la Russie, la Chine, etc.

11. Tout en restant très attachée à la notion de subsidiarité, principe fondamental du fédéralisme, l'UEF F estime que la gestion des grands risques transnationaux (y compris dans le domaine financier où l'on retrouve les mêmes carences) ne peut être assurée, à l'échelle européenne, par la seule voie de la libre coopération intergouvernementale - mais exige des transferts de souveraineté et de compétences exercées en commun au sein des Institutions, de façon ordonnée, efficace, démocratique et transparente.

12. Plus généralement, l'UEF F estime que le traité de Lisbonne donne enfin à l'UE les bases nécessaires pour développer une politique énergétique commune ; elle constate que l'approche intergouvernementale actuelle (notamment dans le domaine de l'énergie nucléaire mais aussi dans ceux du pétrole, du gaz , des énergies renouvelables et des économies d'énergie) ne fonctionne pas et que les divergences entre les approches nationales ne font que s'amplifier au détriment de l'intérêt commun européen


Jean-Guy Giraud est président de l'UEF-FRANCE

http://www.uef.fr

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