par Patrick Martin-Genier, le lundi 15 août 2011

Alors que Nicolas Sarkozy s'apprête à vivre une semaine cruciale pour la sauvegarde de la zone euro et l'Europe, les évènements incroyables de ces dernières semaines, en pleine torpeur de l'été, posent bien plus de questions qu'ils n'ont reçus jusqu'à présent de réponses fiables et définitives.


Une spéculation inadmissible

Alors même que les Etats-Unis et l'Europe venaient de trouver une solution raisonnable, même à moyen terme, pour éviter le défaut de paiement qui de la première puissance mondiale qui de certains Etats européens, le vent de folie spéculatif s'est de nouveau déclenché de façon intempestive et même inadmissible.

Une folle rumeur a fait courir le bruit qu'une grande banque française était vouée à la faillite en raison de son engagement supposé dans le réseau financier italien, lequel allait aussi devoir recourir à l'aide européenne pour un risque immédiat de défaut de paiement.

Il faut le dire en effet : quelques acteurs irresponsables de la grande finance internationale ont pris des paris sur la faillite de certaines Etats et, par delà ces derniers, sur celle de banques européennes. Ceci est non seulement inadmissibles, relève de méthodes immorales anti-nationales et anti-européennes et constitue une nouvelle forme
de délinquance internationale.

Une taxe sur les transactions, voire des amendes

Il est très clair que les responsables de ces remous qui ont failli emporter l'Europe voir l'économie américaine ont en fin de compte réussi à convaincre plusieurs dirigeants internationaux qu'il convenait d'instaurer une taxe sur les transactions internationales. Il faudrait même aller plus loin et proposer la création d'une agence financière internationale chargée d'infliger des amendes aux groupes financiers ainsi qu'à leurs dirigeants qui ont seraient de nouveau derrière ces manœuvres morbides.

Car la sphère financière, même et surtout dans un régime capitalistique, devrait être au service de l'économie réelle, sans oublier la personne qui est derrière. L'échange économique n'existe que parce qu'il existe derrière des hommes et des femmes qui travaillent, produisent des richesses, des entreprises qui exportent et vendent leur savoir-faire. L'argent permet ainsi à ces personnes de vivre et personne, ni même les partisans du système capitaliste ne comprennent pourquoi ils devraient finir ruinés alors qu'ils ont un travail –certains hélas n'en ont plus- et gagnent honnêtement leur vie. Oui, il y a bien quelque chose qui ne vas bas dans ce système.

L'indécision politique critiquée

Certes, la spéculation serait le reflet d'une grande faiblesse inhérente au système. Ainsi, on s'aperçoit qu'au cours de ces dernières semaines, la presse internationale a été très dure vis-à-vis des dirigeants. Barack Obama et la classe politique américaine dans son ensemble ont été vertement critiqués en raison du psychodrame qui s'est déroulé à Washington où les deux grands partis républicains et démocrates semblaient incapables de se mettre d'accord sur les voies et moyens d'éviter un défaut de paiement des Etats-Unis. Cette tergiversation a en réalité eu un effet autrement plus important que le résultat final auquel sont finalement parvenus le Congrès et le président américain par ailleurs critiqué pour son indécision. Un éditorialiste du Financial Times écrivait d'ailleurs qu'il faudrait désormais de faire à l'idée que l'économie américaine serait plus souvent et plus fortement soumise à la récession que ce à quoi on était habitué…

L'Europe quant à elle n'a pas été épargnée par les critiques de cette presse. L'incapacité de certains dirigeants à se mettre d'accord sur le montant du fond européen de solidarité pour venir en aide aux pays en difficulté a été pointée du doigt. La première visée a été Angela Merkel, la chancelière allemande, dont la crédibilité n'a cessée de s'éroder tant en Allemagne que sur la scène mondiale. Celle-ci a systématiquement dû se faire forcer la main pour accorder l'aide aux pays, notamment la Grèce. Celle-ci s'est peu à peu imposée comme la madame « nein » avant de dire seulement quelques jours voire quelques heures après « ja » sous la contrainte des évènements internationaux et la pression d'autres dirigeants européens don le président français Nicolas Sarkozy qui, il faut le reconnaître a, au cours de cette crise estivale, joué un rôle majeur. La rencontre prévue cette semaine à l'Elysée devrait confirmer cette analyse.

La marginalisation de la commission européenne

Le président de la Commission européenne a bien lancé un cri d'alarme en dénonçant l'insuffisance du fonds européen de stabilité financière doté d'une capacité d'intervention effective de 440 milliards d'euros. Il a subi plusieurs rebuffades cinglantes tant de la part de la chancelière que du président français qui l'ont en effet marginalisé et l'ont fait savoir, la presse internationale qualifiant José Manuel Barroso de « loose cannon », c'est-à-dire de « franc-tireur » ou « électron libre » a priori
irresponsable.

Cela augure mal du rôle que pourrait avoir la commission européenne dans le futur schéma de gouvernance européenne…

En tout état de cause, il y a urgence. Pour le sauvetage même du système libéral et capitaliste, et sauf à revenir à un système d'Etat forcément plus réglementé, la moralisation du système financier international s'impose.


Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de paris, spécialiste des questions européennes.

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